Comme s’ils n’entendaient pas les cris des Burkinabè, des députés demandent le report des élections législatives pour les coupler en novembre 2021 avec les municipales qui, elles aussi, connaîtront un report. Ainsi, ils auront une année supplémentaire de députation avec tous les avantages qui y sont liés. Même si cela ne viole la loi, il reste entendu que cette demande de report, dans le contexte actuel que nous connaissons au Burkina, sera difficile à accepter par les Burkinabè, surtout par la classe politique. Les arguments avancés ne volent pas très haut. L’insécurité dans certaines zones, qui est le principal ne date pas d’aujourd’hui. Au contraire, chaque jour que Dieu fait, elle gagne du terrain. Quelle garantie peut-on donner aujourd’hui pour rassurer qu’en 2021, on en aura fini avec le terrorisme sur toute l’étendue du territoire national ? L’argument de l’insécurité n’est pas suffisant et ne peut convaincre personne. Sauf ceux qui développent une telle idée. De même, l’argument de la réconciliation après l’élection présidentielle n’est pas non plus suffisant. Car, elle aurait pu se faire si effectivement elle était une priorité du pouvoir actuel.
Du reste, s’il advenait qu’on reporte les élections législatives pour cette seule raison, on aura donné raison aux terroristes. Car, ils auront atteint leur objectif. Celui d’avoir chassé les Burkinabè d’une partie de leur territoire qui est désormais sous leur contrôle. Celui aussi d’avoir déstructuré la démocratie et les institutions de la République dont l’Assemblée nationale, l’une des plus importantes. Et ce, après avoir fait fermer des écoles, des dispensaires et d’autres services de l’administration publique.
Du reste, la classe politique et les organisations syndicales et autres défenderesses ne laisseront pas passer ce que certains qualifieront de forfaiture. Car contraire à l’éthique politique, si réellement il y en a une en politique. Du coup, le pouvoir s’attire une fois de plus les foutres d’une partie de la classe politique et de l’opinion publique. Comme si les crises sécuritaire, sociale et sanitaire ne suffisent pas, on ajoute une crise politique. Le Burkina Faso n’a pas besoin de ça.
Le gros problème de cette idée de prolongation de mandat des députés est sa légitimité. Cela nous renvoie à 2014, quand le pouvoir de Blaise Compaoré avait décidé de modifier la Constitution afin de permettre à ce dernier de briguer un autre mandat. La modification était bien légale, mais c’est son opportunité qui posait problème. Aujourd’hui, c’est bien ceux qui étaient opposés à une telle idée qui proposent de faire exactement presque la même chose. C’est difficilement compréhensible.
En outre, ils sont aujourd’hui nombreux, les Burkinabè qui disent désormais haut et fort ce que certains des députés actuels sont certains qui ne seront plus réélus. Une prolongation d’une année de leur mandat leur permettra de continuer à jouir des privilèges liés à leur fonction. Ce que les Burkinabè n’accepteront pas. Il faut donc s’attendre à ce que le front politique soit en ébullition dans les jours à venir, si toutefois le pouvoir décide de faire aboutir son idée.
Dabaoué Audrianne KANI