Entrepreneuriat des jeunes :le métier de perlage, un secteur florissant

Au Burkina Faso, Entreprendre est devenu un phénomène répandu où chacun de son côté essaye de s’affirmer dans la société. Et parmi les différents métiers où chacun veut faire quelque chose de ses dix doigts, figure celui de l’art du perlage. Un savoir-faire à travers la création d’objets à base de perles et qui suscite plus d’admiration chez leurs clients. Nous avons sillonné le lundi 07 juillet 2025, la ville de Bobo-Dioulasso dans le but de nous entretenir avec ces personnes qui se sont lancées dans ce secteur.

 

Dans un des quartiers de la ville de Bobo-Dioulasso, communément appelé Bindougousso, situé côté Est de la ville, se trouve Rosette Traoré. Secrétaire de profession dans une entreprise de la place, elle est également une confectionneuse d’articles en perles. N’ayant pas de boutique pour le moment, elle étale ses articles de vente dans sa cour. Elle nous reçoit dans une maison où elle confectionne et stocke ses créations. Nous constatons des articles déjà confectionnés sur les tables, d’autres sont posés à même le sol. Après les salutations d’usages, nous rentrons dans le vif du sujet. A la question de savoir depuis combien de temps elle a débuté ce métier, elle nous fait savoir qu’il y a de cela trois mois. « Je n’ai pas appris cette activité lors d’une formation, mais plutôt par moi-même. C’est uniquement les week-end que je confectionne. Les différents modèles viennent de ma propre création et parfois selon la commande du client. En ce qui concerne la durée de la confection, je peux prendre des fois toute une journée pour un seul article, par exemple un sac à main », nous explique-t-elle. Elle nous confie aussi que les articles qu’elle confectionne sont entre autres, les porte-clés, les boites à lotus, les tabliers, les bracelets, les colliers, les boites à ranger pour bureau.

Cette autre, Estelle Kohoun, une étudiante en fin de cycle de licence dans une Université de la place, est aussi confectionneuse en perlage. Résidant au quartier Ouézzin-ville, elle nous retrace les moments de son apprentissage. « Je me suis lancée dans le perlage vers septembre 2022. Au début, je ne me suis pas donnée à fond, je regardais juste les vidéos et en ce moment cela ne me disait rien. Au fur et à mesure je voyais une amie qui excellait dans le domaine et cela m’a tiquée. C’est ainsi que je me suis mise à la recherche des perles au grand marché ainsi que tous les matériels qu’il faut pour la confection. Une fois à la maison, j’apprenais cela en ligne avec l’application Tik-Tok. J’ai débuté mon apprentissage avec les porte-clés et je faisais également les postes des vidéos que je téléchargeais et des articles que je confectionnais sur mon statut WhatsApp. Les gens ont commencé à s’intéresser, c’est ainsi que je me suis lancée dans le métier », raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle forme plusieurs personnes, garçons comme filles en perlage. « J’ai commencé à former depuis 2023 de façon individuelle les personnes qui étaient intéressées. Au fur et à mesure, cela commençait à s’élargir. Une fois, il y a eu une maman qui m’a contactée dans le but d’inscrire son enfant. A son arrivée, c’était un garçon et je me suis dit, voilà enfin un qui fait l’exception. Ce dernier apprenait vite par rapport aux autres. C’est rien que cette année que j’ai organisé une formation groupée », indique-t-elle.

Il faut noter que le métier du perlage n’est pas attribué aux femmes seulement, même si la tendance de les voir confectionner nous le laisse croire. Ainsi notre quête d’information nous amène au quartier Belle-ville, où réside Patrice Ilboudo, un étudiant en agronomie à l’Institut Supérieur de Formation Professionnelle de Bobo-Dioulasso (ISFP). Il est aussi un confectionneur d’articles à base de perles.  Dans nos échanges, il confie qu’en plus d’être étudiant, il fait à peu près dix métiers avec ses dix doigts, c’est-à-dire la réalisation des maquettes et des tableaux, la décoration lors des cérémonies, le perlage et autres. A la question de savoir comment il s’est lancé dans le perlage, il nous raconte. « J’ai commencé le perlage en 2023. J’étais assis et une idée m’est venue, et je me suis dit pourquoi ne pas embrasser un autre métier. Une fois à l’école lorsque je faisais la troisième année en agriculture, il y avait un jeune garçon qui avait envoyé des matériels qu’il a confectionnés avec les perles. Alors, j’ai pris et admiré et je me suis posé la question, est-ce que je ne pourrai pas vendre ce genre d’objet. C’est ainsi que j’ai pris un échantillon avec lui, et une fois à la maison, j’ai essayé de détacher l’objet et le reproduire. En le faisant, j’ai obtenu un bon résultat », raconte-t-il. Il ajoute que la plupart de ses articles proviennent de sa propre création et que c’est le modèle de création qui définit le temps. Ses articles sont notamment des paniers à fruit, des paniers à fruit avec leurs tabliers, des boites à bijoux, des porte-clés, des fourreaux pour téléphone, et des sacs à main de toutes formes. Selon Patrice, il faut être très créatif pour attirer beaucoup de clients.

Le perlage, très fructueux

Ils ont fait savoir qu’ils se procurent auprès des commerçants du grand marché de Bobo-Dioulasso. Selon Estelle Kohoun, le prix du paquet de perles dépend du model. « Ce qu’on appelle le quatre carré, le commerçant me le donnait à 2500FCFA le paquet. Puis, à 2250FCFA chez un autre commerçant. Actuellement, je me procure auprès d’un commerçant qui me donne à 2000FCFA », confie-t-elle. Elle poursuit que le temps de la fabrication dépend du modèle de l’objet à confectionner, du model des perles à utiliser et du type de fils qu’il faut. « Pour le type de fils, j’utilise le numéro 0,7 et le 0,8 pour les perles quatre carré et le 0,50 pour les perles rondes », indique-t-elle. De l’avis de Patrice Ilboudo, il faut avoir une idée de la chose que l’on veut fabriquer. Imaginer si l’on veut fabriquer un sac à main, cela va dépendre de l’épaisseur du sac et le nombre de paquets qu’il faut miser et c’est cela qui définira le temps. « Pour une journée, je peux achever un sac et débuter un autre. Mais pour un débutant, il lui faudra deux à trois jours », précise-t-il. Il poursuit en disant que le métier de perlage est florissant s’il y a une bonne communication. Il nous confie avoir vendu deux assiettes en perles qu’il a confectionnées en moins d’une demie journée d’une valeur de 12.000F pour un bénéfice de 4000FCFA. Estelle Kohoun ne dira pas le contraire. Pour elle, le métier de perlage lui rapporte beaucoup car pour un objet confectionné, elle peut avoir un bénéfice de 1500FCFA, voire 2000FCFA. « Souvent les bénéfices dépendent de l’objet que l’on confectionne. Aussi, ce que les clients aiment et payent très vite est surtout les portes clés. Il y a pour 100F, 200F, 300F et même pour 500F que je donne en gros », soutient-elle. Par ailleurs, elle dit se sentir très bien dans le métier car elle arrive à subvenir à ces petits besoins tel que le carburant pour aller à l’école.

Les difficultés rencontrées

De son avis, les difficultés se situent au niveau commercial. Elle a cité entre autres, les commandes en ligne et l’apprentissage lors de la formation. « Il y a des clients qui commandent sans avance et une fois la confection de l’objet terminée, tu les appelles en vain. Cela m’a amenée à ne plus faire de commande sans avance », déplore-t-elle. Par ailleurs, elle explique qu’elle peut voir un modèle et décidé de le reproduire mais une fois au marché, le nécessaire n’y est pas. De ce fait, elle est obligée de laisser tomber. Pour Patrice, la difficulté se situe au niveau financier car pour une personne qui voudrait faire le métier du perlage, elle doit avoir un fonds. Il justifie que les perles coûtent très chères.  « Avant, le prix des perles était abordable. Mais maintenant, non seulement la quantité a diminué, mais aussi les commerçants maintiennent le prix. De ce fait, pour un paquet de perle, on ne peut pas faire grand-chose », déplore-t-il. Selon une autre étudiante, Fatimata Compaoré, la confection est difficile car elle demande beaucoup de temps. « Elle fait mal aux doigts, souvent ça blesse et donne des maux de dos du fait de rester assis pendant longtemps. Aussi, le marché n’est plus comme avant car de nos jours il y a plusieurs personnes qui le font », confie-t-elle. Gisèle Ouédraogo, une cliente amoureuse des articles en perlage, nous explique que ces objets sont d’une longue durée et les textures sont très rares à trouver chez quelqu’un d’autres.  Patrice Ilboudo exhorte les jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat car, dit-il, « un jeune qui chôme ne doit pas trier de métier » et que c’est pour cette raison qu’il continue de persévérer en se lançant complètement au perlage qui lui est florissant.

Estelle Wende Mi KOUTOU