Il a été conseiller technique dans des départements ministériels, chargé de missions à la présidence de la République et enfin Directeur du Cabinet de l’ancien président de la République malienne, le Président malien Alpha Omar Konaré. Ce géographe a pris sa retraite en tant que Professeur titulaire d’université et Recteur de l’Université de Bamako. Samba Diallo fut élève de l’école primaire privée de Tounouma garçon, et du Lycée Ouezzin Coulibaly (LOC). Il est aujourd’hui à la retraite et il vit à Bamako (Mali).
Comment êtes-vous devenu Bobolais ?
Mon aventure bobolaise commence en 1959 lorsque mes parents décident de m’envoyer chez mon oncle à Bobo, alors chauffeur à la CFDT (NDLR : Compagnie française pour le développement des fibres textiles, aujourd’hui SOFITEX). Avec lui, j’ai parcouru la Haute Volta dans le cadre du ramassage du coton fibre.
Ainsi, j‘ai été scolarisé à Toma, puis la même année nous sommes venus à Dédougou, puis enfin Bobo où je suis allé au CP2 à l’école primaire Tounouma garçon. Je suis entré en 6e au Lycée Ouezzin Coulibaly en 1966, qui recevait des élèves en provenance de toute la Haute Volta.
J’y suis resté jusqu’en 1973, date à laquelle j’ai été exclu à la suite d’une grève de soutien à celle des enseignants au motif officiel « d’indiscipline et d’incitation au désordre » et rapatrié au Mali, mon pays d’origine.
Depuis 1973 vous résidez à Bamako où vous avez enseigné jusqu’à la retraite avec quelques passages dans la haute administration en assumant des responsabilités politiques et académiques. Pourriez-vous nous relater les évènements de 1973 au Lycée Ouezzin Coulibaly ?
Les événements de 1973 étaient une grève des enseignants au départ. A l’époque, le syndicat des enseignants conduit par le grand-frère de mon ami Somé Timothée que l’on appelait Somé Philippe a lancé un mot d’ordre de grève.
Il y avait aussi le regretté Issa Tiendrebeogo et son épouse Alice Tiendebeogo. M. Tiendrebeogo était notre professeur de Mathématique et sa femme notre professeur d’histoire et de géographie. Moi, j’étais le délégué général des élèves du Lycée Ouezzin Coulibaly et les élèves ont estimé qu’ils devaient appuyer le mouvement de grève des enseignements.
Ce n’était pas une grève initiée par les élèves. Mais une année au paravent, moi j’étais actif aux côtés de mes aînés, par devant, Somé Timothée et Zida. Ces derniers avaient conduit une grève dont ils étaient les acteurs majeurs. Pendant ces grèves on m’a insulté, stigmatisé de Malien et on m’a même accusé d’avoir adressé une lettre injurieuse au Commandant de Cercle d’alors.
Cinquante ans après ces évènements, je dis que je n’étais pas l’auteur de cette lettre. Je n’étais mêlé ni de près ni de loin à cette histoire-là ! Malgré tout, la police est venue me chercher un matin à la maison. J’ai fait un séjour au commissariat central de police de Bobo-Dioulasso, ensuite on m’a rapatrié au Mali manu-militari. On m’a déposé sans bagage chez le Commandant de cercle de Sikasso, qui a été un homme très aimable. C’est lui qui m’a aidé à me réinscrire dans un lycée á Bamako. Et depuis cette époque, je vis à Bamako.
Etes-vous toujours en contact avec vos amis de Bobo-Dioulasso ?
Je revois souvent mes anciens camarades et amis de Bobo. M. Ouali Louis Armand (Conseiller diplomatique du président du Faso) me fait l’honneur de me rendre visite quand il est à Bamako, moi aussi, je lui rends visite quand je suis à Ouagadougou. Il en est de même pour Somé François, avec qui j’ai fait mes études à Rouen en France.
Il a été mon logeur quand je suis arrivé à Rouen. M. Dah Dapola Évariste est universitaire Géographe comme moi, nous collaborons ensemble sur des projets ; nous avons fait la seconde au Lycée Ouezzin Coulibaly ensemble et j’ai reçu ce matin un message de lui (NDLR : le 11.06.2021).
Cependant, depuis les évènements de 1973, je n’ai plus revu Laurent Banadi, Ouattara Famoro, Démé Adama et Jo Ouattara. Je souhaiterais lui faire la surprise de l’appeler si j’avais ses contacts. Il ya aussi Fabré Moumouni et Traoré Aly qui est aux États-Unis et Ouédraogo Abdoulaye « dit Dragos » qui est à Bordeaux. Ce sont tous des camarades du Lycée et qui sont tous universitaires.
Nous nous voyons quand ils sont à Bamako. Je revois aussi les Bobolais qui vivent à Bamako. Il y a Adama Diawara qui est décédé la semaine dernière. Avec lui, nous nous voyions régulièrement, car on a fait les mêmes classes à Bobo et au Lycée Askia Mohamed de Bamako. C’était une amitié fraternelle. Il est décédé malheureusement.
Y a-t-il une association des Bobolais de Bamako ?
À ma connaissance à Bamako, on n’a pas une association formelle ! Mais il y a une petite colonie constituée d’amis et d’anciens camarades avec lesquels j’ai cheminé à Bobo. Je les revois, nous nous rencontrons de temps en temps pour échanger de Bobo, car nous sommes tous nostalgiques de cette ville Bobo et de ces beaux moments que nous y avons passés. Nous y avons passés de bons moments, l’adolescence et notre jeunesse.
C’est cette période où on n’a pas beaucoup de soucis et on est sincère dans nos relations. Une ville qui vous a formé en tant qu’homme, vous ne pouvez pas oublier cette ville et certains événements vécus ensemble, font que cette ville devient le ciment entre vous. Donc, les gens que j’ai connus à Bobo, j’essaye de les voir le plus souvent à Bamako.
Revenons à Bobo et le football dans les années 70 ?
Les rencontres entre les écoles primaires permettaient de détecter les pépites de demain. Les grands noms du foot étaient Diarra Sidiki de Bolomakotè, Jo Ouattara et Banadi Laurent de Tounouma/Saint Étienne, etc. Les rencontres entre le CEG et le LOC étaient de très belles factures. Des joueurs comme Dri Ballon, Panier, Tiègouè ou Saba Boureima ont marqué cette époque. Ils étaient également les meilleurs joueurs des clubs de Bobo comme Racing, les Fonctionnaires l’USFRAN ou Bobo sport.
Et la musique de cette belle époque ?
Il y avait l’inoubliable feu Tidiane Coulibaly qui était le chanteur principal du groupe Volta Jazz. Il animait la scène musicale avec des tubes tels que «Babamoussa a yékognou ma kê (NDLR : Babamoussa a fait du bien) ou les filles de Tounouma » (il fredonne les mélodies de ces deux chansons).
Pendant cette période, la vie de la jeunesse était imprégnée de ce que l’on appelle « surprise partie » et c’était bien entendu les « yéyés ». Le dénommé Amadou Fantôme était connu à Bobo comme un grand danseur de rock. Eux, ils avaient leur grin à Farakan et nous, notre grin était à San Francisco chez les Dembélé.
On nous appelait les « frisquins ». À Diaradougou, il y avait les Baba Tall, les compagnons ; à Koko, il y avait un autre grin que l’on appelait la Gestapo. Naturellement pendant cette période des yéyés, c’étaient les chemises en fleurs, les pantalons pattes d’éléphant.
Les chemises et les pantalons étaient très serrés. Il y a même des anecdotes célèbres sur ces sapes, car certains après les shows étaient obligés de se faire aider pour enlever leurs chemises et leurs pantalons.
Les lieux emblématiques de cette période ?
Il y a le marigot Houet qui, pour un enfant de Koko, était très important. Nous y allons-nous baigner et faire du jardinage. C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai constaté que ce cours d’eau, un joyau du patrimoine de Bobo se meurt petit à petit.
Les bâtiments les plus en vue étaient la mairie, la chambre de commerce, la résidence du commandant de cercle. On peut y ajouter des places célèbres comme Sirabawolôfila, le jardin du maire et le jardin Dominique Kaboré.
Bobo reste pour moi la ville où sont enfouis les souvenirs de mes années d’innocence et d’insouciance, en fait les plus belles de ma vie. J’y pense tous les jours.
Et Bobo de nos jours pour vous ?
Je vais occasionnellement à Bobo, généralement pour des raisons sociales (mariage et décès).
Bobo a une position géographique très intéressante et très stratégique, à nous Bobolais de savoir en tirer profit. Ce qui frappe à Bobo, c’est son étalement, elle s’est agrandie. Ceci n’est pas signe de déclin, mais cet étalement est le signe d’un dynamisme urbain. Cet étalement de la ville correspond à un dynamisme économique, même si sur le plan industriel on ne voit pas encore un développement conséquent se dessiner.
Naturellement, les anciens quartiers sont entrain de se détériorer, car les enfants de ces quartiers pour ne pas dire la crème est parti à Ouagadougou, dans d’autres contrés du monde. Mais à Bobo, les nouveaux quartiers sont acceptables et témoignent d’un certain niveau de vie. Ce que je regrette quand je suis à Bobo, c’est le niveau de délabrement et d’insalubrité du marigot Houet, qui est délaissé.
Tout doit être entrepris pour sauver ce marigot qui fait partie du patrimoine culturel de Bobo ! Dans l’immédiat, la réhabilitation du marigot Houet me parait prioritaire.
Eric Kibidoué BAYALA