L’abattoir frigorifique de Bobo-Dioulasso est vieux de 60 ans à peu près. Construit en 1962, cet abattoir dessert une population bobolaise qui s’est agrandie. Pierre Innocent Sanou, Directeur général de cet abattoir nous parle de son fonctionnement et des conditions dans lesquelles son équipe travaille pour satisfaire la population. Lisez l’entretien qu’il nous a accordé.
Présentez-nous, en quelques lignes, l’abattoir frigorifique de Bobo.
L’abattoir a été créé en 1962, juste après les indépendances. La commune en son temps avait pris la décision de doter la ville d’un outil qui puisse traiter de la viande dans les conditions de salubrité et d’hygiène comme cela se doit. Après 1962, il y a eu un projet d’une grande envergure qui est « venu » en 1979. A cette occasion, il y a eu assez d’infrastructures qui ont été réalisées et ce projet a commencé véritablement en 1980. Si vous regardez dans les documents, vous verrez que l’abattoir de Bobo a pris son essor à cette date-là, c’était un abattoir d’une capacité de 15 tonnes. C’était un grand projet. La viande quittait Bobo pour aller dans les autres pays, jusqu’en Europe, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Le projet a pris fin en 1987. Depuis lors, l’abattoir est géré maintenant par le ministère du Commerce.
Vous avez tantôt parlé de l’hygiène de la viande. Est-ce qu’à la date d’aujourd’hui, les règles autour de cet aspect sont respectées par vous et par vos partenaires ?
Ça, c’est une question très importante pour nous. Parce que le rôle d’un abattoir dans une ville c’est justement préserver la santé de la population par rapport à certaines maladies qui pourraient survenir face à la consommation de la viande. Donc, c’est pour cela que l’abattoir est créé, pour justement travailler dans les conditions d’hygiène, de salubrité pour préserver la santé de la population. A la date d’aujourd’hui, je peux dire sans crainte que la viande que nous retrouvons sur le marché de la place est saine. On peut la consommer sans trop d’inquiétudes, parce que nous avons un service de vétérinaires très qualifiés, et qui font le travail selon la déontologie. Dès la réception des animaux une équipe est là, qui inspecte les animaux sur pieds. Ensuite, une fois que l’animal est abattu, l’animal est soigneusement inspecté, une fois qu’il présente des signes de maladie, cette viande est retirée immédiatement de la consommation. Très souvent les bouchers se plaignent de pourquoi nous jetons toute une carcasse, mais ça a ses raisons. On peut donc dire que toute viande qui quitte l’abattoir, peut être consommée en toute quiétude. C’est vraiment fait dans les conditions de salubrité et d’hygiène. Maintenant, comme vous le savez, il est tantôt dit que c’est un abattoir qui a été créé en 1962, la population de Bobo était relativement inférieure à ce que nous connaissons aujourd’hui, donc la capacité seulement nous pose problème.
Toujours dans le sens de l’hygiène et de la salubrité, suivez-vous les conditions de transport de cette viande vers des tierces ?
Ah oui, effectivement, l’abattoir dispose d’un camion frigorifique qu’on a acquis en 2016. C’est un camion qui peut transporter jusqu’à 4 tonnes et demi et qui amène chaque jour la viande au grand marché. Malheureusement, nous n’avons pas assez de camions pour desservir tous les marchés. Ce qui fait que nous constatons malheureusement des particuliers qui sont obligés de transporter leur viande par leurs propres moyens pour aller à leurs lieux de vente. C’est pendant ces transports-là malheureusement que nous constatons que les règles d’hygiène que nous prodiguons aux bouchers ne sont pas toujours respectées. C’est pour cela que nous avons mis en place une brigade de surveillance composée de deux vétérinaires et des policiers, qui sort régulièrement pour voir comment cette viande est manipulée depuis l’abattoir jusqu’au lieu de vente, comment elle est conservée. Donc pour le moment nous faisons avec, mais nous mettons un accent sur la sensibilisation de ces acteurs-là, pour qu’ils puissent comprendre pourquoi nous exigeons à ce que la viande soit bien enveloppée. Même si vous la transportez sur les motos, les taxis et autres, il faut que la viande soit bien enveloppée, qu’elle ne soit pas en contact avec d’autres vecteurs de contamination, afin d’être transportées dans de bonnes conditions.
DG, vous dites que toute viande qui sort de l’abattoir de Bobo est propre à la consommation, il y a souvent des abatages clandestins dont les gens parlent. Est-ce qu’à votre niveau, vous avez déjà été interpelé par rapport à cette situation ?
Oui, plusieurs fois, nous faisons l’objet d’interpellations en ville, qu’il y a un abatage dans tel ou tel lieu. Nous avons cette brigade de surveillance qui sillonne la ville chaque fois. De façon régulière et de façon inopinée, nous sillonnons les marchés et les coins qui sont signalés par ci, par là. Très souvent, nous appréhendons des gens qui se livrent à ces genres de pratiques. La loi est très claire là-dessus. Quand nous prenons ces personnes-là, on les sanctionne. Leur matière est retirée et ils paient une amende. Si vous récidivez, vous pouvez même risquer la prison.
Il y a un marché autour de l’abattoir de Bobo. Existe-t-il dans des conditions normales ou alors comment vous arrivez à gérer cet environnement avec votre abattoir ?
Nous avons deux marchés, un marché de gros ruminants et un marché de petits ruminants. Seul le marché de gros ruminants est clôturé, le marché de petits ruminants jusqu’à présent, c’est une aire qui est fréquentée par les marchands. Ce que vous constatez sur le terrain, avec le développement de la ville, il y a beaucoup de jeunes qui se sont investis dans l’embouche des animaux. Comme ça marche très bien, alors tout l’espace de l’abattoir a été pris par ces emboucheurs-là. Ce sont des installations non autorisées, mais ce sont les mêmes acteurs, les mêmes bouchers. Quand ils ont des opportunités, ils achètent des animaux un peu fatigués qu’ils essaient d’emboucher pendant un temps, avant les fêtes. Ce qui fait que les gens se sont installés un peu partout. Ça a donné ce que vous voyez. Il y a aussi qu’au moment où le marché de Bobo était en réfection, on avait délocalisé des bouchers sur le site de l’abattoir, certains ne sont plus retournés. Donc, ça a formé un marché, et qui dit marché de viande, ça attire d’autres commerces. Naturellement les vendeuses de légumes se sont installées aussi à côté. Ça a attiré pas mal de personnes qui viennent chercher leur pain quotidien sur le site de l’abattoir. Ça fait vraiment beaucoup de soucis parce que, tout de suite, cette question de salubrité se pose.
Aucune œuvre ne peut se faire sans difficulté, alors est ce qu’au niveau de l’abattoir de Bobo vous en rencontrez ?
Comme difficultés de fonctionnement, il y a ces difficultés dont nous avons tantôt parlé. Depuis 1980 jusqu’à aujourd’hui, rien a changé car les infrastructures sont les mêmes. Donc ça fait que la qualité de la prestation à laquelle on devait s’attendre n’est pas à la hauteur. Il s’agit essentiellement de ces difficultés-là. Hormis le monde qui gravite autour, il y a cette organisation des acteurs aussi qu’il faut revoir. Parce que vous savez, tout le monde a le droit de se déclarer boucher. C’est vrai qu’il y a une démarche administrative à suivre, mais on aimerait que les bouchers soient organisés, pour que ceux qui sont grossistes puissent vraiment exercer leur profession en toute liberté.
Entretien réalisé
Par Souro DAO