Sidi NAPON, ancien footballeur : « C’est le manque de moyens qui tue le football à Bobo »

Il fait partie de la génération des Étalons qui a fait rêver les Burkinabè et hisser le football du Faso à un niveau élevé de reconnaissance africaine et international. Sidi NAPON, ancien footballeur international et ancien entraîneur national du Burkina Faso est aussi consultant sur Africa24 Football club.

Sidi Napon lors d’un match des Etalons juniors en 2014

 

Pouvez-vous nous rappeler les moments forts qui ont marqué votre passage en tant que footballeur dans les Etalons au Burkina ?

Les moments forts, je dirai, c’est cette qualification après les éliminatoires à la CAN 1996, où nous avons terminé premier du groupe devant le Maroc et la Côte d’Ivoire. Les Marocains ont fini troisième du groupe. C’est un moment fort, parce qu’au départ personne ne croyait en nous. Le Burkina Faso ne s’était jamais qualifié pour une CAN, si ma mémoire est bonne, et on a été repêché une fois. Notre qualification pour la CAN 96, personne ne la voyait devant des grands comme la Côte d’Ivoire et le Maroc. Mieux que cela, on termine premier !  Après cette qualification, ma vision du Burkina Faso au niveau footballistique sur le plan international a changé ! Ce fut aussi le cas d’autres Burkinabè et on était fier d’avoir eu cette qualification et surtout devant les Ivoiriens.

 

Et la CAN 98 ?

La CAN 98 aussi a été une compétition où on a fini quatrième, car nous avions perdu la troisième place. Si vous avez bien remarqué, ce sont les mêmes joueurs de la CAN 96 qui se sont retrouvés à la CAN 98. C’est le même groupe que l’entraîneur Philippe Troussier a pris, et il y a ajouté quelques joueurs pour qu’on puisse jouer la CAN 98. On a vraiment fait un très bon parcours ; dommage on a perdu la troisième place. Ce sont les aléas du football, donc c’est le jeu ! On a perdu, personne ne comprend pourquoi ! Lors de la petite finale, moi-même j’ai marqué le troisième but. Nous croyions déjà que nous avions la troisième place. À la dernière seconde, nous avons été rattrapés et on a perdu ! Voilà les souvenirs marquants que j’ai de mon passage dans la sélection nationale.

“La CAN 98 reste un bon souvenir pour moi”

Pouvez-vous nous donner les moments qui ont marqué votre vie à Bobo ?

Ce qui m’a marqué, c’est mon enfance et ma jeunesse à Bobo et le terrain de football de notre quartier qu’on a nommé : « môgô ma môgô wélé » (Personne n’a appelé personne en dioula). C’est là où j’ai démarré en tant que footballeur avec les jeunes de Nienêta, de Dogona, de Farakan etc…

On se retrouvait sur un terrain vague ou on s’adonnait à cœur joie au football. Il y avait beaucoup de talents, vraiment trop de talents. Nous autres qui avons réussi c’est la chance ; sinon il y avait des joueurs talentueux sur ce terrain « môgô ma môgô wélé ».

 

Ce terrain semble être un endroit mythique quand on vous entend parler ?

Ah oui ! C’était un endroit qui était tellement plaisant qu’à partir de 16h le terrain était plein de monde. Si tu viens en retard tu n’as plus de place. Rien que le nom du terrain « môgô ma môgô wélé » est révélateur. C’était un lieu où il n’y avait pas d’arbitrage en fait. Pour une personne qui aime dribler, il faut savoir que tu pouvais prendre les coups dans tous les sens et surtout des tacles en arrière. Et c’était normal, car nul ne t’a appelé là-bas ! Et après un match souvent interminable, si tu sortais sans blessures et sans coups, il fallait rendre grâce à Dieu ! Ce fut un endroit formateur. Vu la brutalité du jeu, il fallait avoir une vision de jeu : c’est-à-dire il fallait être rapide, prendre l’information avant même d’avoir reçu le ballon, sinon, tu prenais des coups de toute part et parfois dans les genoux ! (Rires).

Le terrain « môgô ma môgô wélé » fut un lieu de formation.  Aussi, beaucoup de joueurs de ce lieu mythique ont joué en première division dans des clubs de Bobo et même dans l’équipe nationale, les Étalons. Je peux citer SOMA Guy Pascal qui a joué en sélection au Faso. D’autres sont partis hors du Faso monnayer leurs talents, Daouda SANOU, Salif SANOU, Papa SANOU (ndlr : Ousmane SANOU)  etc.

Sidi Napon, Consultant à Africa 24

 

Que pensez-vous du football burkinabè aujourd’hui ?

Le football burkinabè est en train de progresser très bien grâce aux centres de formation qui sont basés aujourd’hui au Burkina Faso. Je pense que dans le futur du football africain, il faudra compter sur le Burkina et nous compterons dans quelques années parmi les cinq meilleurs pays de football du continent. Les centres de formation contribuent à rehausser le niveau du championnat national et du football burkinabè. Les jeunes d’aujourd’hui sur le plan technique et l’organisation du jeu n’ont rien à envier à ceux des générations passées. Il y a un changement positif et on le voit avec les footballeurs burkinabè qui sont en France, en Angleterre, en Hollande, en etc. Et dans les autres pays africains. Le foot burkinabè s’exporte et tant mieux !

 

Et le football bobolais ?

Le football bobolais ! Bobo, c’est la pépinière du football burkinabè. Bobo a toujours été dans cette situation, même pendant les Silures de Bobo. Dans un passé récent, l’ossature de l’équipe nationale était faite de joueurs de Bobo. Il faut bien que l’on se comprenne. Je dis les Bobolais car quand on dit Bobolais ou Bobolaise, il n’y pas d’ethnie ! Bobo est le lieu de l’éclosion des talents et si vous prenez aujourd’hui Bobo, c’est là où tous les clubs de Ouaga viennent faire leurs marchés.

 

Mais est-ce que être la pépinière du football nationale profite à Bobo-Dioulasso et à ses centres de formation ?

Ça profite à Bobo-Dioulasso justement par le fait que les joueurs, même à Ouaga ou bien hors du Faso, financent des projets à Bobo. Mais il faut reconnaître, le problème c’est qu’à Bobo il n’y a pas les moyens et c’est le seul truc qui tue le football bobolais ! À  Bobo, c’est la débrouille avec les clubs. Ce n’est pas facile. Avant on avait les grands commerçants qui s’occupaient des équipes. De nos jours, les clubs survivent grâce aux subventions, et ce n’est pas souvent évident ! Par exemple, un club qui n’a pas cent ou cent cinquante millions de franc CFA sur lui ne peut pas gérer une équipe et motiver les joueurs pendant une saison.

Heureusement qu’il y a des clubs comme Rahimo qui tiennent. Rahim a les moyens de sa politique et on voit cela dans le classement du club. Bobo-Dioulasso ne bénéficie pas de la vente des jeunes joueurs qui y sont formés puisqu’ils partent à partir des clubs de Ouagadougou. Dans tous les cas, c’est le Faso qui gagne !

 

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la vie à Bobo en général ?

L’ancien Bobo c’était une ville où tout le monde se connaissait. Il y avait une joie de vivre et beaucoup de familles se côtoyaient et on se connaissait. Et même certaines personnes qui n’étaient pas du même quartier se fréquentaient. Aussi, sans un regard sur les générations et les classes d’âges, les gens avaient vécu à Bobo presque les mêmes histoires et ils avaient eu presque les mêmes expériences. En effet, les habitants de beaucoup de quartiers avaient les mêmes histoires et récits sur certains évènements majeurs de la ville : musique, football, concerts, sorties de masques, défilé, etc. Mais de nos jours, on ne se connait même pas, car la ville s’est agrandie et elle continue de s’agrandir. On ne sait même pas où la ville de Bobo s’arrête. Il faut le dire : la ville est devenue très grande et il y a encore de nouveaux quartiers qui se créent. Mais dans l’ossature de Bobo avant, tout le monde se connaissait. Aujourd’hui je ne peux pas trop parler de Sya parce que moi-même je suis perdu à Bobo. Mais, je reconnais toujours le chemin qui mène à Tounouma dans mon grin, chez les forgerons (rires).

 

Vous êtes dans la diaspora aujourd’hui. Que faites-vous en France ?

Je travaille comme Directeur sportif au football club de Terne et je suis aussi Consultant sur Africa24. Dans la diaspora, je ne suis pas membre d’une association. Mais toutes les associations burkinabè me connaissent parce que je participe à tous les évènements qui se passent sauf si je ne suis pas au courant. Je participe aussi à toutes les manifestations au niveau de l’ambassade du Burkina surtout aux activités associatives. Moi, je suis ouvert à tout le monde !  C’est ça mon côté dans la diaspora : dans le malheur ou dans le bonheur, je suis là, je suis présent !

Entretien réalisé par Kibidoué Éric Bayala

 

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