Toumousseni est une localité située à une vingtaine de kilomètres de Banfora. Où habiteNoumbié Koné, ou l’enfant de la faim en langue Turka. Notable, il est né en août 1948 et est le 11èmegardien du baobab sacré de Toumousseni. Baobab sacré aux plusieurs vertus, Noumbié nous explique son importance pour la tradition.
Depuis quand ce baobab existe dans le village ?
Ce baobab date des années 1700 ou 1800, au temps de Samory Touré. C’est ce baobab qui a sauvé nos ancêtres au temps de la colonisation. Puisque Samory est venu trouver les jeunes en train de cultiver la terre et les femmes le travail du beurre de karité.Il s’est arrêté avec ces 2000 soldats et il a dit: « Hé! Obéhtousénètouroukaan! Am bé touroukaanam bi tousènè », d’où le nom Toumousseni.
Qu’est-ce qui fait la force de ce baobab sacré ?
La force de ce baobab sacré ce sont nos ancêtres, nos aînés qui ont fondé le village. Actuellement si on a un problème si on demande au baobab, il nous ilrésout le problème. Il accorde le bonheur à tout le village.
Est-ce que d’autres personnes étrangères au village viennent solliciter l’aide du baobab ?
Bien sûr que oui. Pour ce qui me concerne, cela fait quarante ans que je n’ai pas mis pieds à Banfora. Car je n’ai pas le droit de bouger, ni même aller au marché de Toumousseni tout près d’ici. Parce que quelqu’unne doit pas venir me manquer. Je suis le gardien spécial, je reste assis chaque jour ici jusqu’à minuit. Après la mort des dix vieux, je suis rentré dans le baobab à minuit. Et il m’a dit :« tu seras mon onzième gardien, les abeilles t’écoutent, les chauves-souris t’écoutent, le baobab t’écoute ». Après ma mort, je ne sais pas qui le baobab va choisir, parce qu’ici ce n’est pas une élection. Si ton cœur est propre, il te choisit et tu deviens son gardien.
Est-ce à dire que depuis que ce baobab existe, un malheur n’est jamais survenu dans votre village ?
Ici, c’est le bonheur seulement. Les habitants du village viennent demander le bonheur ici. Même les étrangers viennent demander le bonheur. Le baobab aide. Tu apporte ton poulet blanc et on l’égorge et c’est tout. Les Blancs, les Occidentaux viennent ici pour les visites, mais celui qui n’a pas un bon cœur les abeilles le chassent. Dans ce baobab j’ai tout ici(l’armée, la gendarmerie, la police). Vous allez causer ici comme vous voulez, rien ne va vous arriver. On ne touche pas le baobab avec un couteau, puisque quand tu le blesse, automatiquement il ya une plaie qui sort sur ta peau.Et tu feras le tour des hôpitaux de ce pays, on ne pourra pas la soigner. C’est un baobab protecteur qui a environ 2000 ans.
En tant que gardien culturel, quel rôle pensez-vous que la culture peut jouer dans la lutte contre l’insécurité dans notre pays?
Le Burkinabè a oublié son patrimoine culturel ; on a donné dos à nos coutumes. Pour sauver le pays, il faut passer par nos coutumes. Si on fait cela, dans deux ans on ne parlera plus de terrorisme. Mais je pense qu’avec l’accompagnement de tous, on va s’en sortir.
Pourquoi le baobab demande-t-il un poulet blanc pour les invocations ?
Le baobab demande un poulet blanc parce qu’il a dit aux ancêtres de donner un poulet blanc pour que Samory Touré n’attaque pas notre région. Donc le poulet blanc, c’est comme les unités dans un portable ; si tu as un téléphone sans unités est ce que ça peut communiquer ? Le baobab est là pour tout le monde.
Semble-t-il que de grandes personnalités viennent chercher le bonheur ici auprès du baobab sacré ?
Oui ! Ça, il faut le dire, le baobab ne fait aucune exception.Il répond aux vœux de tout un chacun, sauf des sorciers. Les hommes politiques sont fréquents ici, vous pouvez vous renseignez.
Est-ce que la consommation des feuilles et des fruits du baobab est permise, vu son caractère sacré ?
Tout ce qui est sacré est interdit. Si les fruits tombent d’eux-mêmes, on peut les consommer, mais on ne les coupe pas sur l’arbre. Celui qui touche aux fruits non-tombés d’eux-mêmes, commet une faute très grave ; dans ce cas il doit apporter un poulet pour les sacrifices.
Pour terminer, selon vous, le baobab peut résoudre beaucoup de problèmes, il exhausse les invocations. Est-ce que le baobab peut soigner certaines maladies comme le SIDA, la COVID-19?
Si tu commets l’adultère et tu veux que le baobab te guérisse du SIDA, c’est faux. Il faut être correct et fidèle. Je suis septuagénaire, je n’ai jamais avalé un comprimé, ni subi une quelconque injection des suites de maladies. Moi, si je suis malade c’est le baobab qui me soigne. La poudre que je m’empiffre me suffit largement. La mort est naturelle et elle n’a pas de médicaments. Je sais que je vais mourir autour de 82 ans, voire plus.
Interview réalisée par
Besseri Frédéric OUATTARA