Le lundi 20 février 2023, nous avons rencontré un producteur qui exploite huit hectares dans cette période de campagne sèche. Tiacoubié Sirima, qui, chaque matin, est dans ces périmètres et dans sa ferme piscicole à un jet de pierre de la ville de Banfora.
Chaque jour, vous êtes ici pour la production de la saison sèche, pourquoi ?
Chez moi, pas de repos, pas de période ! Chaque fois, je travaille et surtout le travail de la terre. C’est en saison des pluies que je suis un peu à l’aise. Mais pendant la saison sèche, c’est vraiment le boulot. En ce moment, je suis au four et au moulin.
Vous exploitez environ combien d’hectares et combien de personnes employez-vous ?
Actuellement, j’exploite huit hectares avec toutes spéculations confondues (maïs, piment, poivres, aubergines, oignons, choux, courgettes, etc. Je ne me repose pas, la terre non plus ne se repose pas. Quand je récolte, je reprends. J’emploie 7 jeunes permanents et 25 à 35 journaliers. Donc j’ai 35 employés à gérer chaque que Dieu fait. La majorité, ce sont des femmes.
Vous faites également de l’élevage et de la pisciculture, comment arrivez-vous à joindre les deux bouts ?
C’est difficile, mais j’arrive à couper gros, car j’utilise aussi l’eau qui sort du bassin piscicole pour arroser le champ, puisque cette eau piscicole contient des résidus qui sont en même temps de l’engrais. En plus, tout ce que je fais ici, souvent les moutons et les bœufs en bénéficient. Et je peux les vendre pour acheter des intrants agricoles. Aujourd’hui c’est difficile d’avoir des crédits en banque, donc si tu ne vends pas un animal pour pouvoir gérer une urgence c’est difficile, actuellement pour quelqu’un qui fait le travail de la terre. Chez moi rien ne se perd, tout est important et je transforme même les résidus de semences.
Comment se fait l’arrosage de votre champ ?
J’utilise des moulins et des groupes électrogènes pour pouvoir tirer l’eau et arroser mon champ. Mais souvent, avec la cherté du carburant, ce n’est pas facile. Si on avait des forages ou des châteaux, j’avoue qu’on pouvait faire deux saisons plus que la Côte d’Ivoire.
Est-ce que les techniciens vous prodiguent des conseils dans ce sens ?
Non, j’ai toujours dit que les encadreurs ne passent pas. Puisqu’ils disent qu’ils n’ont pas de frais de carburant pour ça, donc ils ne peuvent pas venir voir nos périmètres. Ce n’est pas bon. Ils sont venus pour nous donner coup de main. S’il faut rester dans le bureau et ne pas venir dans les champs, ce n’est pas la peine. Ils doivent passer voir ce qu’on fait. Souvent on achète des intrants sur le marché, on ne sait même pas si c’est bon ou pas, C’est eux qui doivent nous situer. C’est à cause de ça, pendant la saison des pluies, il y’a des problèmes pendant la distribution des semences et des intrants. Souvent on donne l’engrais à des gens, ce n’est pas la peine. La distribution se fait par amitié et par relations. Je ne suis pas dans ça. Je demande au gouvernement de dire aux encadreurs d’aller sur le terrain. Certains disent qu’on ne travaille pas, alors qu’ils sont toujours camouflés dans leurs bureaux. La place d’un encadreur ce n’est pas dans le bureau, mais dans les champs. Si les encadreurs nous donnent à chaque fois des conseils, on peut produire plus que ce qu’on fait. Si on nous accompagne, personne n’ira en Côte d’Ivoire pour travailler la terre.
Est- ce qu’il vous arrive de recevoir les encouragements des autorités ?
Oui ! J’ai même été décoré en 2006 à Dori. Quand j’ai commencé la maraîcher-culture, j’avais seize ans et j’arrosais mon champ avec les arrosoirs, les pompes à pédales, les motos-pompes. Maintenant, ce sont les groupes électrogènes. Pour faire de la culture de contre saison, il faut être courageux. Il ne faut pas être paresseux. La maraîcher-culture et la politique ne font pas bon ménage. Il faut rester focalisé sur tes périmètres. Si tu fais deux jours sans verser de l’eau sur tes périmètres, tu perds immédiatement.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Elles se résument au manque d’accompagnement de personnel qualifié, la cherté des intrants, la mévente, le problème de l’écoulement. Une chose est de produire, une autre est de pouvoir faire l’écoulement à un bon prix. Ici, notre souci premier c’est l’engrais. L’engrais est cher et souvent n’est pas de bonne qualité. On ne peut pas empêcher les commerçants de faire le commerce de l’engrais, mais il faut qu’on nous ravitaille avec des intrants de qualité, nos encadreurs doivent être regardants.
Il y a aussi les chenilles légionnaires qui nous fatiguent, on pulvérise mais rien ne bouge. Le gouvernement doit jouer sa partition dans le domaine de l’agriculture pour qu’on puisse manger sans problème. On est tous des Burkinabè. Si quelqu’un vole, on dira qu’il n’a pas raison mais s’il n’a rien, pas d’accompagnement. Donc le cultivateur peut être commerçant, car il y a la mévente.
Interview réalisée par
Besseri Frédéric OUATTARA /Banfora