Judith Millogo/Seni, restauratrice : «En tant que femme burkinabè, on apprend à cuisiner depuis le bas âge»

« La femme qui veut entreprendre doit prendre conseils auprès des devanciers et ne doit pas avoir peur »

Pour notre rubrique de la semaine, nous sommes allés à la rencontre de Judith Millogo/Seni, entrepreneure à plusieurs casquettes. Titulaire d’une licence en logistique, Judith excelle dans la restauration, la vente de vêtements de qualité, de souliers importés d’Italie et un pressing. Dans cet entretien, elle nous explique son parcours atypique et sa vie d’entrepreneure.

Pourquoi avoir choisi cette orientation professionnelle ?

D’abord, j’ai toujours voulu voler de mes propres ailes et être indépendante professionnellement. J’ai donc décidé d’entreprendre, notamment dans les domaines que j’aime, la restauration, parce que j’aime bien la cuisine et j’aime bien manger. Quoi de plus normal que de partager sa passion avec d’autres personnes. J’ai commencé en 2016, après j’ai fait un break de trois ans et je suis revenue dedans cela fera bientôt trois ans. Le restaurant « LA MIJOTE » est situé à Ouaga 2000. Aussi, on s’habille tout le temps, nos habits ont besoin d’entretien, c’est pourquoi je me suis lancée dans ce domaine. En plus, je voulais créer de l’emploi pour les jeunes. Actuellement, j’ai pratiquement une dizaine d’employés. La boutique et le pressing depuis 2016. L’ouverture a été parrainée par Pathe’O et feu Moustapha Labli Thiombiano. La boutique et le pressing sont dans les mêmes locaux « EXPRESS PRESSING » situé à Karpala. Dans notre pressing, c’est du tic au tac, on vous livre en fonction du délai que le client veut.

Restauratrice, parlez-nous de vos activités quotidiennes

Ce sont les appels, les commandes, les livraisons et surtout les services traiteurs. Par jour, par exemple, aujourd’hui on a plus de 150 plats à livrer. En plus de cela, certains clients viennent sur place commander. A « LA MIJOTE », nous proposons des mets variés tels que des mets burkinabè, maliens, sénégalais, ivoiriens, togolais, et des mets européens aussi.

Quel a été votre plus grand défi depuis que vous êtes dans la restauration ?

Il y en a tellement, mais je vous en donnerai un. J’ai déjà reçu un appel une nuit pour une commande pour un mariage. C’était à deux jours de la cérémonie. Je devais livrer du riz gras, du faro, du gnon au fonio, le babemba. C’était un défi à relever pour moi. 30 minutes après la communication, la personne a fait tout le dépôt et cela m’a encouragé. J’ai relevé ce défi avec fierté, les gens ont apprécié et c’était l’objectif visé. On a eu à cuisiner 2 sacs de 25 kilogrammes et 10 kilos à part. il y avait une marmite de 25 kilos pour le babemba, ajouté au to, sauce feuille, faro et le fonio qui s’élevaient à au moins 400 mille FCFA.

Avez-vous suivi des formations pour exceller dans ce domaine ?

En tant que femme burkinabè, on apprend à cuisiner depuis le bas âge. Également, on avait beaucoup de cousins et cousines à la maison, on faisait des démonstrations de cuisine, chacun voulait faire mieux que l’autre. Ma première formation est venue de là. On a appris à savourer, à créer. En plus de cela, souvent quand je suis à l’extérieur, je sympathise souvent avec les cuisiniers qui m’invitent dans leur cuisine. Après quelques deux à trois heures de formation, je ressors avec de nouvelles expériences. Pour le pressing et la boutique, je n’ai pas eu de formation type. C’est avec les conseils, l’encouragement de Pathe’O que je me suis lancée. J’ai fait appel à un blanchisseur professionnel qui est venu m’installer une machine et m’a expliqué les produits qu’on utilise pour telle ou telle tenue, comment les laver, à quel degré ; et c’est parti comme cela.

Comment vous travaillez avec vos clients pour comprendre leurs besoins ?

Pour le pressing, c’est facile. Il suffit de bien faire le travail et faire la livraison à temps. C’est au niveau du restaurant qu’il y a le plus grand souci. On a différents clients avec différentes attentes. Pour les satisfaire, on a développé d’autres stratégies. Quand je viens le matin on précuit d’abord les choses qu’on congèle et le matin on enlève une quantité qu’on prépare simplement. S’il y a d’autres clients avec d’autres besoins, on essaie d’ajouter quelques ingrédients et c’est tout. Expliquer le processus semble long, mais non, c’est juste 5 minutes parce que tout est déjà cuit. Il suffit maintenant d’assaisonner et sortir le plat pour la personne.

Quels sont les avantages et les inconvénients de ce secteur ?

Les avantages dans ces domaines sont que quand les clients sont satisfaits, facilement ils peuvent vous recommander à d’autres personnes. Mais les inconvénients, c’est la réaction de certains clients quand il y a un petit incident une fois en passant. Ils ne sont pas tolérants et facilement, ils peuvent ternir ton image.

Est-ce que ce sont des secteurs rentables ? 

Oui, avec une bonne gestion en plus de l’organisation ça peut aller. Les débuts sont toujours compliqués, ce n’est pas facile. Mais quand ça commence à donner, c’est bon.

Quels sont les obstacles auxquelles vous êtes confrontées dans votre entreprenariat ? 

C’est surtout la main d’œuvre. Souvent juste pour une affaire de 5 mille FCFA, l’employé va te lâcher. Il ne regarde pas le temps passé ou qu’il peut demander une augmentation de salaire.

Comment voyez-vous votre avenir dans l’entreprenariat ?

Bientôt la restauratrice du Président du Faso ! Cela sera une grande entreprise comme Mc Do, pourquoi pas. Je vais mener des actions, et même léguer quand je serai à la retraite.

Comment arrivez-vous à allier vie familiale et vie entrepreneuriale ?

Au départ, c’est compliqué parce que tu es obligé de te donner à fond. Du coup, tu arrives souvent tard à la maison. Heureusement, j’ai le soutien de la famille. Les enfants comprennent, les plus grandes assistent les plus petits. Je remercie aussi mon superman, mon héros qui est mon papa qui m’a beaucoup soutenue.

Quel est votre regard sur l’entrepreneuriat féminin au Burkina ?

Toutes les femmes se battent de nos jours. On n’a pas besoin d’avoir de grands diplômes pour être dans les bureaux. On peut sortir créer, innover et s’en sortir bien.

Des conseils pour celles qui veulent exceller dans le même domaine que vous ?

Oui, foncez tant que vous avez la volonté. Il y aura des hauts et des bas. Cela ne doit pas décourager la personne, elle doit foncer. La femme qui veut entreprendre doit prendre conseils auprès des devanciers et ne doit pas avoir peur.

Aïcha TRAORE