Le discours ci-après a été prononcé en 2020 par Mamadou Banakourou Traoré, en tant que parrain à l’occasion de la rentrée solennelle nationale de la Jeune chambre internationale Burkina Faso. Si nous avons jugé utile de le publier, c’est tout simplement parce qu’il est plus que d’actualité. Lisez !
- J’adresse à tous un salut respectueux, avec une pensée particulièrement reconnaissante au Président de la Jeune chambre Internationale Burkina Faso Wilfried Arnaud ZIO, et au comité d’organisation pour l’honneur qui m’est fait, à travers le parrainage de cette activité majeure, de cette prestigieuse organisation internationale qui a la vocation, que je partage, d’offrir aux jeunes les clés du leadership, les opportunités et les moyens d’être meilleurs pour eux-mêmes et d’impacter positivement leurs communautés de base. Avec de telles idéaux et cette nette communauté d’espérance je n’ai pas hésité d’accepter ce parrainage. J’en suis très honoré.
- J’ai également beaucoup apprécié le fait que cette Rentrée solennelle soit placée sous le thème « Contribution citoyenne à la paix et la cohésion sociale », la Jeune Chambre Internationale du Burkina Faso lance par là une invite à ses membres et à leurs pairs jeunes, à ne pas perdre de vue leurs responsabilités dans la quête permanente de la paix.
- Elève au collège de Tounouma Garçons à Bobo, pour commémorer l’anniversaire de la mort de Bob Marley, un 11 mai j’ai décidé avec quelques camarades de l’époque de ne pas me peigner les cheveux. Le frère surveillant m’a interpelé au pied de l’escalier qui menait vers les classes et m’a posé la question suivante : « Monsieur Traoré êtes-vous en paix avec vous-même » ? Cette question m’accompagne encore aujourd’hui au quotidien.
Le Burkina Faso fait face à des défis aussi nombreux que divers, dont le plus crucial est celui de la sécurité. Dans un tel contexte, le rôle de la jeunesse n’est pas seulement souhaité ; il est indispensable.
Mais ne nous trompons pas de mots, en réalité, le terrorisme djihadiste qui nous afflige démontre que la paix et la sécurité ne sont plus indissociables, ni au Burkina ni ailleurs, dans le reste du monde. Il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’une utilisation des armes de guerre et des tactiques des méthodes de guerre contre des populations civiles désarmées. Certes, nos nerfs sont mis à rude épreuve, pour ne pas parler de l’horreur à laquelle nous sommes confrontés, mais c’est précisément le but de cet irréductible ennemi : créer la frayeur, provoquer la haine. L’honorer en lui déclarant la guerre est ce qu’il attend. C’est le reconnaître.
Le Burkina est donc confronté à une sérieuse question sécuritaire mais il est en paix. La guerre la plus absolue, la plus décisive, reste celle des idées. Elle n’écarte pas évidemment les actions de police et la neutralisation des salauds. Mais elle nous rappelle que nous devons redoubler d’exigence démocratique et coller plus encore à nos valeurs en ne cédant jamais aux injonctions d’une pensée nauséabonde ou à la tentation de l’autoritarisme. Alors, nous vaincrons, car, « si la barbarie n’a qu’un moment, les idées que nous défendons sont éternelles ».
- La cohésion sociale souhaitée, exigera davantage encore cette solidarité fraternelle qui dérive de la conscience d’être une unique famille de personnes appelées à construire un Burkina plus juste et fraternel. Cette conscience est déjà présente d’une certaine façon dans nos sociétés traditionnelles. A ce propos, comment ne pas remarquer, avec une certaine tristesse, que certains terroristes sont Burkinabé ? Les tentatives de créer les conditions d’un dialogue sincère et d’une coopération solidaire entre tous les Burkinabé ne seront jamais trop nombreuses.
- J’aime bien citer Lebniz en disant que « le damné n’est pas éternellement damné mais il est toujours damnable et se damne à chaque instant ». C’est un message d’espoir, l’espoir de s’en sortir dans le cadre d’un dialogue intercommunautaire. Il s’agirait pour les acteurs de ce dialogue d’identifier les principaux obstacles à la cohésion sociale dans leur région et y proposer des solutions.
- Il n’est pas question de contester un seul instant la nécessité de combattre jusqu’au bout les terroristes du djihad, ni de regretter leur élimination lors d’affrontements, ni de remettre en cause la lutte implacable contre l’islamisme.
Le Burkina Faso est né de la rencontre de diverses traditions culturelles et religieuses. Des expériences de collaboration fructueuse ne manquent pas et les efforts actuels en vue d’un dialogue interculturel et interreligieux laissent entrevoir une perspective d’unité dans la diversité, qui laisse bien présager de l’avenir.
Cela n’exclut pas une reconnaissance adaptée, également au niveau législatif, des traditions spécifiques dans lesquelles chaque groupe éthique est enraciné, et avec lesquelles il s’identifie, souvent de façon particulière.
La reconnaissance du patrimoine culturel spécifique d’une société passe par la reconnaissance des symboles qui le caractérisent. Si, au nom d’une interprétation incorrecte du principe de cohésion sociale, on renonçait à exprimer cette tradition et les valeurs culturelles qui y sont liées, la division au sein de notre société multiethnique et multiculturelle pourrait facilement se transformer en un facteur d’instabilité et, donc, de conflit. La cohésion sociale et la paix ne peuvent être atteintes en effaçant les particularités culturelles : cette intention serait non seulement vaine, mais également peu démocratique, car contraire à l’âme des populations et aux sentiments de la majorité de la population.
On doit s’engager, entre autres, à déraciner les causes du terrorisme, un phénomène qui s’oppose à un authentique esprit religieux ; à défendre le droit de chaque personne à mener une existence digne selon sa propre identité culturelle et à se former librement une famille ; à se soutenir dans l’effort commun pour abattre l’égoïsme et l’oppression, la haine et la violence, en apprenant de l’expérience du passé que la paix sans la justice n’est pas une véritable paix.
A ce propos les initiatives du gouvernent sont à saluer, il faut continuer à espérer. Le dialogue à tous les niveaux – économique, politique, culturel, religieux – portera ses fruits. Que Dieu nous donne la force d’affronter les difficultés et de persévérer dans l’espérance que le bien triomphera.
Avec ces convictions, que vous partagez, je le sais, je souhaite un plein succès au mandat 2020.
Que Dieu bénisse le Burkina Faso !
Je vous remercie !