Mariage d’enfants au Burkina Faso : Le destin brisé de Fatimata Belem

« Ensemble disons non au mariage d’enfants ». Pour y parvenir tous les acteurs doivent travailler en synergie pour sensibiliser et interpeller sur la problématique afin de barrer la route à cette pratique.

Le mariage d’enfant handicape l’avenir et le bien-être des victimes (photo d’illustration)

« J’étais en classe de 4ème et pendant les vacances mes parents ont décidé de me donner en mariage. Je leur ai demandé de me laisser poursuivre mes études. Ils ont refusé. Et sans aucune solution, j’ai quitté le domicile familial. L’homme en question, je ne le connais même pas et j’ignore son âge. Mon rêve c’était de devenir enseignante afin de partager mes connaissances et expériences pour lutter contre les injustices sociales à l’endroit des filles », a relevé Fatimata Belem, serveuse dans un maquis à Ouagadougou que nous avons rencontré. Pourtant le mariage est l’union libre et consentante entre un homme (20 ans au moins) et une femme (17 ans au moins) célébré devant l’officier de l’état civil. Il est considéré comme un jour de fête et une étape importante de la vie. Malheureusement, il arrive que la pratique du mariage précoce n’offre nulle raison de se réjouir. En effet, imposer un partenaire conjugal à un enfant signifie mettre un terme à son enfance et compromettre ses droits fondamentaux. En rappel, le mariage d’enfants est et demeure un problème mondial. Au Burkina Faso, le phénomène est plus criard. 10% des femmes se sont mariées avant l’âge de 15 ans et 52% des femmes (soit une femme sur 2) avant l’âge de 18 ans. Il ressort que les causes sont sociales et économiques. Sociales, afin de renforcer des liens d’amitié, récompenser un bienfait, maintenir le rang social, mauvais comportement des filles, l’ignorance des textes et lois en vigueur. Et économiques, pour rembourser une dette, conserver les biens d’un défunt, la pauvreté et la cupidité des parents. Le mariage peut avoir un impact au plan physique, psychologique, sanitaire, familial et social. Il s’agit entre autres, des cas de viols, rapports sexuels douloureux, traumatisme, manque d’affection, désespoir, hypertension artérielle, infections d’organes, grossesses à risques, IST Sida, empoisonnement, suicide, haine, adultère, répudiation, relâchement des liens intrafamiliaux, abandon scolaire, bannissements et délinquances.

Le mariage d’enfants est d’actualité

Tous les acteurs de la chaine reconnaissent l’existence du mariage d’enfants dans les quatre coins du Burkina Faso. Pour le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, « c’est un phénomène récurrent. Quant il est informé, il donne des instructions aux forces de sécurité de voir dans quelle mesure cela peut être résolu à l’amiable. Le ministère de la Femme précise que le phénomène existe partout parce qu’il y a des cas qui sont signalés. Les agents rentrent en contact avec les parents et les prétendus maris pour privilégier la négociation. A l’issue de la négociation si certains restent réticents, ils sont orientés vers la police, la gendarmerie et la justice. Des cas sont enregistrés dans les différentes brigades. Et sont souvent des cas d’enlèvement d’abord dans l’optique de pouvoir régulariser les règles de la coutume par la suite.

Comment venir à bout du phénomène ?

Pour mettre fin à ce phénomène, il faut mener des actions de sensibilisation à l’endroit des parents, qui, dans une certaine mesure méconnaissent même les droits des enfants. Les filles victimes du mariage d’enfants viennent généralement des milieux ruraux. Les victimes sont généralement des orphelines de l’un ou des deux parents. Et la fille est confiée à une tante ou à un oncle et le suivi n’est pas ce qu’il faut. Le phénomène est puni par la loi et il faut renforcer la sensibilisation des parents et les filles. Le mariage d’enfant handicape l’avenir et le bien-être des victimes. C’est une lutte de longue haleine. La solution, c’est de privilégier la sensibilisation, la formation et l’information.

Jules TIENDREBEOGO