A l’occasion des journées de redevabilité parlementaire, session spéciale de lancement tenue à Bobo-Dioulasso du 1er au 4 juillet dernier, le public de participants a eu droit à bien d’interventions intéressantes. Une des plus captivantes et des plus applaudies aura été celle de Mélégué Traoré, cet intellectuel et traditionnaliste africain convaincu, ancien ministre et ancien président de l’Assemblée nationale. Un homme au parcours brillant et inspirant, qu’on ne se lasse pas d’écouter parler. Il a livré cette adresse le vendredi 2 juillet 2021 dans la salle de conférence bondée de la Maison de la Culture Anselme Titianma Sanon.
Adresse à la session spéciale de redevabilité de l’Assemblée nationale tenue à Bobo-Dioulasso. Par Mélégué Traoré, au nom des anciens présidents de Chambre parlementaire
«…Bobo-Dioulasso est devenu le centre nerveux de l’action parlementaire de terrain. Ce n’est que justice. Interrogeons brièvement l’histoire de la vie politique et parlementaire de notre pays. En effet, comment oublier qu’avant l’indépendance c’est à Bobo-Dioulasso que, la Commission permanente, l’organe central à côté du Bureau de Conseil général- l’appellation initiale de l’Assemblée, mis en place en 1948, devenu Assemblée territoriale en 1952, et Assemblée législative avec la loi cadre, loi Gaston Defferre du 23 juin 1956, puis Assemblée nationale le 11 décembre 1958, se réunissait une fois par mois. C’est en venant à une réunion de la Commission permanente que Yalgado Ouédraogo, alors président de cet organe, perdit la vie dans un accident, en 1958.
Au commencement était la Commission permanente à Bobo-Dioulasso
En prenant la parole devant vous, les anciens présidents de Chambre parlementaire, tiennent avant tout, à saluer la nouvelle législature qui s’installe. Félicitations à vous toutes et tous, pour le choix que le peuple burkinabè, la nation comme corps politique, a fait en vous élisant. Toutes tendances politiques confondues, il est normal que vos premiers soutiens soient les personnalités qui ont dirigé l’Assemblée nationale et la Chambre des représentants, depuis 1992. Il y a là, le premier entre tous, cheval de retour dans la présente Assemblée, siégeant de nouveau avec vous, Arsène Bongnessan Yé. C’est lui qui a installé l’Assemblée nationale en juin 1992, dans des conditions difficiles. Il a fait un travail formidable, en donnant à notre Parlement, sa physionomie initiale et le contenu de base du travail parlementaire tel que nous le connaissons aujourd’hui. Votre Excellence Yé, sans conteste, le Parlement, c’est-à-dire le peuple burkinabè, vous doit beaucoup. Nul n’osera dire le contraire de ce que j’affirme. J’en sais beaucoup à cet égard, vous ayant succédé en 1997.
Le Premier président de la Chambre des Représentants est là. Il a été le plus chaud, le plus enthousiaste, et le plus déterminé parmi nous, pour venir au conclave de la redevabilité. C’est le président Cissé Kader. Votre Excellence, vous me permettez de citer parmi les hauts postes que vous avez occupés dans l’architecture organique du Faso au sommet, celui de Président du Conseil Economique et Social. C’est avec vous que notre pays a initié dans son histoire, le bicaméralisme.
Des devanciers présents dans la salle
Est avec vous par ailleurs ce matin, celui qui livre cette adresse en ce moment. Il ne sied pas que je dise qui je suis et ce que je suis. Ce que j’ai essayé de faire à la tête de l’Assemblée nationale, n’a été que la communication de l’œuvre d’un ancien scout du PMK, où j’avais lancé la troupe du capitaine Kouanda en février 1971 : un médecin militaire, un certain Yé Bongnessan Arsène. On a beaucoup parlé du Parlement sous mon mandat ; mais je n’aurais sans doute pas pu faire grand-chose, si je n’avais disposé du riche héritage qu’il m’a laissé.
Et puis voici le vieux, l’ancien, le sage : nous sommes en Afrique et ses valeurs antiques et éternelles ; j’ai cité le Président Sanogo Moussa, l’ancien Procureur général près la Cour Suprême, que l’Assemblée nationale a éclaté en avril 2000, et remplacé par le Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes.
Au plan parlementaire, c’est avec lui que j’ai le plus travaillé : il était alors, après Kader Cissé, le Président de la Deuxième Chambre. Votre Excellence, laissez-moi vous dire que vous êtes devenu une référence pour moi et pour les autres. Je me souviens comme si c’était hier, de la première conférence mondiale des Présidents des Parlements nationaux, organisée par l’Union Interparlementaire à l’ONU à New York, à laquelle nous avons participé ensemble en août 2000, et dont du reste j’ai été le rapporteur général. Ce fut un grand moment du parlementarisme mondial, et nous en avons été ensemble, des acteurs.
D’illustre président du parlement aujourd’hui à la tête du pays
Roch Marc Christian Kaboré, aujourd’hui Président du Faso, et Soungalo Apollinaire Ouattara qui m’a demandé de vous présenter ses excuses pour son absence, ayant eu un empêchement de dernière minute. Je n’oublie évidemment pas les chefs du Parlement de 1ère post-insurrection. D’abord Cherif Sy, l’actuel ministre de la Défense nationale et des Anciens Combattants, puis le regretté Salif Diallo pour lequel je vous demande de vous lever pour observer une minute de silence…Je vous remercie. L’homme fut redoutable, et il a été un bon président d’Assemblée.
Enfin, je ne parlerai pas de son successeur, notre hôte du jour, un futur ancien Président de l’Assemblée nationale du reste. Pour le moment, il ne l’est pas, Dieu et nos ancêtres, merci.
Les anciens présidents des Chambres parlementaires que nous sommes, sont fiers de votre action, des orientations de l’Assemblée, de vos interventions sur le terrain. Pourquoi cette fierté ? Eh bien, parce que notre Assemblée a tenu sa session inaugurale en juillet 1948. Et chaque président qui a occupé le perchoir, y a laissé sa marque, du premier chef du Conseil général Georges Konseiga – telle était l’appellation initiale de l’institution – à l’actuel chef du Parlement, en passant par des personnalités historiques, telles que Mathias Sorgho, Guillaume Ouédraogo, Nazi Boni, Bégnon Koné, Joseph Ouédraogo, Kango Gérard Ouédraogo et ceux que j’ai cités au début de mon intervention. Chaque personnalité y a laissé sa marque. Aucun n’a démérité.
Fierté pour un Parlement burkinabè unique et distingué en Afrique
Aujourd’hui, notre Parlement est unique dans l’ordre des institutions de l’Etat. Il se distingue par la diversité de ses interventions, la pertinence de ses actions, sa cohésion qui s’explique par l’inclusion de sa Gouvernance, et ses choix de diplomatie parlementaire.
Mais surtout, au cours des dernières années, la novation réside dans l’ouverture de l’Assemblée nationale aux citoyens et à la société civile.
L’Assemblée nationale sort de l’enceinte parlementaire, et c’est bien ainsi. Elle pénètre dans l’espace plénier de ses fonctions. On ne peut que s’en réjouir.
En lançant un nouveau mécanisme à travers le processus de recevabilité, le Parlement burkinabè entame une nouvelle étape de la dynamique qui le porte. Les anciens chefs de l’institution Parlementaire ne peuvent que lui apporter leur appui déterminé. C’est ce que nous avons voulu exprimer en venant à Bobo-Dioulasso.
Monsieur le Président, je voudrais dire à votre Excellence, combien nous sommes unanimes à apprécier la manière dont vous dirigez l’Assemblée nationale. Nous devrons particulièrement relever votre dynamisme, votre ouverture à tous, le souci de l’inclusion, la recherche de l’innovation dans les interventions de l’Assemblée nationale, le respect que vous nous portez et, ce n’est pas la moindre des choses, la modestie qui vous caractérise, mais aussi la manière dont vous savez éviter les outrances, dans un monde politique burkinabè, où les uns et les autres, de tous les bords, peuvent être tentés par celles-ci.
Les Georges Konseiga, Christophe Kalenzaga, Pierre Bernard, Guillaume Ouédraogo, Bernard Tibo Ouédraogo, Joseph Ouédraogo, Mathias Sorgho, Yalgado Ouédraogo, Laurent Bandaogo, Nazi Boni, Begnon Koné, qui ont présidé cette Assemblée avant l’indépendance, n’ont tenu bon face à l’adversité, que parce qu’ils avaient précisément, de telles qualités.
Dieu et nos ancêtres seront toujours avec vous, avec tous, pour suivre le chemin qu’ils ont tracé ».
Sibiri SANOU