Rencontre avec… : Kambou Brahima dit Koto Brawa, artiste musicien

Il est né et a grandi à Saint-Etienne, secteur 16 de Bobo. Installé depuis 2007 en France, il est l’initiateur et le promoteur du Festival Badara dont la 6ième édition se tiendra en avril-mai à l’Institut français de Bobo. Pour Kambou Brahima dit Kôto, Bobo est toute son inspiration : les sons des balafons et des tambours des cabarets lui ont donné le goût de la musique. Batteur, percussionniste et chanteur, il a joué avec Hassan Dembélé, Bil Aka Kora, Yeleen, Charly Sidibé, Alif Naba, Manu Di Bango, Gasandji, Sally Nyolo, Gaël Faye, Edgar Sekloka et la liste est longue ! Interview.

Pour l’industrialisation, je pense que ce qui est très dommage, c’est que la ville de Bobo a toutes les potentialités, mais elles ne sont pas mises en valeur »

Aujourd’hui à Bobo quand vous projetez de sortir, où allez-vous?

A Bobo, quand je sors, je vais voir les amis et après il y a des endroits comme le Bois d’Ebène, le Bambou où il y a des groupes qui jouent. Il y avait aussi ce qu’on appelait Black and White qui a été rasé. Je vais à la « Villa Kambou» où il y a un club où ça joue aussi quelquefois. Il y a aussi des restaurants tels que le «Dankan », « Mandé » et pour les salles de spectacle, il y a l’Institut français et la Maison de la culture.

 

Quels sont vos projets à Bobo ?

A Bobo, j’ai un festival. Ce sera la 6ème édition en avril-mai 2021 et ce festival s’appelle «Badara» (au bord de l’eau). La particularité de ce festival c’est que ce sont des artistes du Burkina qui rencontrent d’autres artistes du monde pour rentrer en résidence de création et à la fin il y a la restitution de ce qu’ils ont composé. Pendant le festival, tous les soirs il y a des concerts à la Villa Kambou. Ce sont des moments de rencontres de musiciens qui essaient de s’amuser ensemble. Ils ne se connaissent pas, mais ils essaient de créer des choses, des reprises d’autres musiques. Aussi, il y a ce volet formation qui est dans le festival. Qui consiste pour les artistes qui viennent d’ailleurs, d’apprendre des choses à ceux qui sont sur place et à ceux qui sont sur place aussi d’apprendre des choses à ceux qui sont venus d’ailleurs. Enfin, il y a le volet échanges entre musique moderne et musique traditionnelle et aussi des échanges d’instruments : guitares basses, batteries, cordes. Ce festival permet justement de récupérer des instruments en France pour donner aux musiciens à Bobo.

 

Y-a-t-il d’autres projets à part vos projets artistiques et le festival Badara ?

Moi, j’ai grandi à Saint-Etienne et j’ai toujours écouté la musique venant des cabarets, des fêtes. J’ai envie de donner à cette ville. Je projette faire des workshops au lycée municipal, équiper une salle de musique et apprendre la danse, le théâtre, la musique dans les écoles.

Á part cela, j’ai envie d’investir dans l’agriculture, la production des légumes et autres produits agricoles.

 

Comment pensez-vous qu’on puisse rendre Bobo attractif sur le plan culturel ?

Pour rendre Bobo attractif, il faudra beaucoup de travaux non seulement au niveau des artistes mais il faut créer des structures de management et de communication. Il faut que les gens de l’industrie culturelle puissent être formés et savoir comment vendre les artistes à l’extérieur. Le groupe « Farafina » par exemple, qui est de Bobo, a fait le tour du monde grâce à des managers européens. Vous voyez que s’il n’y a pas ces managers qui viennent chercher, nous on reste à Bobo entre nous. Donc il faut qu’il y ait des formations des jeunes qui sortent des écoles de communication pour s’intéresser à la culture ; et ces jeunes doivent pouvoir vendre les artistes à l’extérieur. Ainsi, toutes les recettes et les bénéfices reviendraient à Bobo. Après les structures, il y a aussi les artistes. Qu’est-ce qu’ils veulent vendre comme image de Bobo ? C’est de travailler cela !

Si tu es à Bobo ou au Burkina Faso en général, tu fais de la musique importée [ndlr : musique étrangère]. Même si c’est de la bonne qualité, en fait ce n’est pas ta culture ! Du coup à quel genre musical peut-on t’assimiler ?

On a des artistes locaux qu’on aimerait faire voyager par exemple en France, en Belgique, en Autriche et des artistes de la Belgique qui vont venir à Bobo. Car, c’est en voyageant qu’on acquiert de l’expérience dont on peut s’inspirer pour s’améliorer. Il y a un travail déjà fait car, il y a beaucoup d’artistes qui sont originaires de Bobo qui tournent et beaucoup de jeunes sortent et reviennent avec des expériences.

 

Pensez-vous qu’on pourra rendre Bobo attractif et sur le plan industriel et sur le plan économique ?

Sur le plan industriel et économique, moi je suis convaincu que chacun à son niveau doit se battre. Imagine quand on est dans l’agriculture et on produit assez de légumes et de céréales, on est autosuffisant sur le plan alimentaire ! Si on vend une partie, on produit une chaine de consommation ! Si un commerçant achète ton produit, il t’incite à produire davantage. S’il revend tes produits, la chaine s’agrandit et ainsi de suite ! En fait, chacun doit pouvoir travailler de sorte que ça soit une chaine de production et de consommation qui tourne. On ne peut pas s’asseoir pour dire que l’on compte sur l’Etat pour organiser tout ça. Maintenant, ce que l’Etat ou la mairie peut faire, c’est d’organiser par exemple des coopératives de paysans de production et de vendeurs de produits bien définis.

Pour l’industrialisation je pense que ce qui est très dommage, c’est que la ville de Bobo a toutes les potentialités, mais elles ne sont pas mises en valeur. On doit implanter des usines pour donner du boulot aux jeunes. Par exemple, il est incompréhensible qu’une usine qui fabrique des tissus soit implantée dans une région où il n’y a pas d’eau et où on est obligé d’aller construire un barrage pour pouvoir installer l’usine. Il est bien qu’une usine soit installée, mais la rentabilité est-elle garantie ?

Les paysans cultivent par exemple du coton ou du sésame, mais ces produits ne sont pas transformés sur place. Des produits finis du coton comme les habits sont produits ailleurs et reviennent plus chers à tel point que la population locale ne peut même pas acheter ces habits. Si tout est fait sur place, toute l’économie va en bénéficier.

 

Est-ce que vous vous êtes mis en réseau avec d’autres musiciens bobolais parce qu’on a beaucoup de Bobolais qui ont des festivals, des activités culturelles ?

Moi-même je suis déjà musicien ; donc j’ai joué pour d’autres festivals à Bobo et à Ouaga. Il y a plusieurs festivals organisés par d’autres gens, mais il ne faut pas qu’ils se disent concurrents ; mais qu’ils sont complémentaires. Avec mon festival, je ne suis pas du tout dans le genre à refuser qu’on prenne un groupe, un musicien ou un groupe formé dans mon festival et le faire jouer. C’est d’ailleurs bénéfique pour ces artistes. Un festival ne doit pas être fermé car de toute façon l’artiste doit être international. Donc il faut qu’il y ait des échanges, des ouvertures afin que cela puisse être bénéfique pour tout le monde.

 

Message à la jeunesse ?

Je dirais aux jeunes d’oser espérer, de rêver parce que j’ai l’impression que depuis un certain temps les jeunes ne rêvent plus. C’est-à-dire, ils vont à l’école à partir de la 3ème ou seconde ; ils vont passer un concours pour sortir vite, avoir sa copine, avoir sa moto, prendre une location. Mais je pense qu’il faut les amener à rêver plus, à se dire qu’ils peuvent avoir plus dans la vie. La vie n’est pas faite que d’argent. Tu peux avoir de l’argent et ne pas être heureux ! La vie, c’est d’oser et rêver comme un artiste.

Kibidoué Éric Bayala 

Autriche