Du Mali au Burkina Faso en passant par le Niger, les gouvernements de transition sont en train de justifier leur décision de retrait de la CEDEAO. Mais en insistant qu’ils restent membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEOMA), sœur cadette de la CEDEAO. Que comprendre ?
Après le Mali, c’est le Burkina Faso par la voix de son ministre de l’Economie de déclarer que son pays reste dans l’Union économique et ouest-africaine (UEMOA) une semaine après avoir claqué la porte de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce qui met fin, pour l’instant, aux intentions attribuées ou avérées de ces trois pays de créer une monnaie commune. Il est vrai que la CEDEAO et l’UEMOA n’ont pas les mêmes objectifs de départ ; mais au fil du temps et au regard du contexte actuel, on peut dire que l’UEMOA est la sœur cadette de la CEDEAO. La preuve est que certaines des sanctions, notamment financières, prises contre le Niger et le Mali après les coups d’Etat sont du ressort de l’UEMOA.
La question qui se pose véritablement est celle de savoir si l’UEMOA offre plus de facilités que la CEDEAO ? Apparemment, en dehors de la monnaie (le Francs CFA) que les huit pays de cette espace ont en commun et tout ce qui l’accompagne, les grands projets et programmes de développement régionaux sont beaucoup plus CEDEAO qu’UEMOA. Si le Nigéria fournit de l’électricité au Niger, ce n’est pas parce que les deux pays sont dans l’UEMOA mais dans la CEDEAO. Si le Ghana et le Burkina Faso ont des projets intégrateurs en commun, c’est beaucoup plus du fait que les deux pays sont dans l’espace régional CEDEAO que l’UEMOA dont le Ghana n’est pas membre. Même avec la Côte d’Ivoire, notre voisin, la place de la CEDEAO est apparemment beaucoup plus importante que celle de l’UEMOA et mêmes des relations purement de voisinage.
En effet, au fur et à mesure que le temps passe, on a l’impression que la « décision mûrement réfléchie » semble ne l’avoir pas été suffisamment. Si elle l’était, on ne serait certainement pas en train d’expliquer aux Burkinabè les raisons qui ont prévalu à cette décision, mais plutôt ce que nous gagnons en quittant la CEDEAO. Au lieu de nous dire que l’organisation va perdre des milliards de FCFA, qu’on nous dise par exemple le sort qui sera réservé aux Burkinabè, Maliens et Nigériens qui travaillent à la CEDEAO parce que leurs pays en étaient membres. Qu’on nous dise ce que va devenir l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) dont le siège est à Bobo-Dioulasso et tous les travailleurs burkinabè qui y sont parce que leur pays a quitté la CEDEAO. Si la CEDEAO a commis des erreurs (ce qui est évident) ce n’est certainement pas en la quittant qu’on règle les problèmes qui y sont posés et dont d’autres pays pourraient en être victimes.
Du reste, avec le retrait des trois pays de la CEDEAO, c’est l’intégration ouest-africaine (donc le panafricanisme) qui risque de prendre un coup. Alors que les pères fondateurs de toutes ces organisations ont d’abord eu pour combat commun, l’unité des peuples africains, et pour le cas de la CEDEAO, ceux de l’Afrique de l’Ouest.
Seri Aymard BOGNINI