Appelons-le ici FS (initiales d’emprunt). La quarantaine sonnante, FS a passé plus de 13 ans de sa vie derrière les barreaux. Cette mauvaise expérience, il veut en tirer des leçons pour dissuader ceux qui seraient tentés par son parcours. Leçon de vie !
FS est un Burkinabè né au village comme beaucoup d’autres. Ses parents se séparent alors qu’il est en bas âge. Après que sa mère se soit remariée, FS navigue entre ses grands-parents, côté maternel d’abord, ensuite côté paternel. A quinze ans, il débarque à Bobo-Dioulasso en 1992 où il ne connaît personne. Il dort tantôt dans des gares, tantôt au stade ou à l’air libre, devant une salle de ciné. Il vit de mendicité avec d’autres jeunes garibou rencontrés dans les lieux publics qu’il fréquente. A force de traîner devant le ciné, il rencontre d’autres camarades plus âgés et plus mûrs que lui. Qui vont l’entraîner dans le vol. Grand et mauvais tournant pour FS. L’un d’eux que nous désignons PK va leur (lui et un autre camarade) proposer d’aller en Côte d’Ivoire pour chercher du travail.
L’aventure abidjanaise
Sans argent, le trio prend le train frauduleusement en 1994, direction la Côte d’Ivoire. A Niangoloko, le train s’arrête. Ils prennent un autre train qui va s’arrêter à Bouaké. FS pense qu’ils vont devoir changer encore de train. Alors, il descend pour découvrir un peu la gare. C’est dans ces circonstances que ses deux autres continuent leur chemin sans lui. FS va prendre un autre train et débarque à Abidjan. Là, non plus, il ne connait personne. Un jour, il prend un train sans savoir la destination. Il se retrouve à l’abattoir. Il y trouve une forte communauté cosmopolite avec beaucoup de Burkinabè, de Maliens, de Guinéens… Sans travail, un vendeur de moutons lui propose de l’aider à s’occuper de ses animaux. Ce qu’il accepte. Mais, il n’y reste pas longtemps. Il vole 300 000 FCFA de ce dernier et retourne au Burkina Faso, précisément à Bobo-Dioulasso, en 1996.
Des retrouvailles qu’il ne fallait pas !
De retour à Bobo-Dioulasso, FS retrouve ces deux comparses avec lesquels il avait quitté le pays pour la Côte d’Ivoire. Leur vie prend un tournant dangereux. Ils vivent dans la rivière non loin du ciné Houet et s’adonnent au cambriolage de boutiques. Ils volent l’argent et des articles, comme la cigarette, qui s’écoulent facilement. Comme dit l’adage : «L’appétit vient en mangeant ». Ainsi donc, le groupe voit de plus en plus grand. Ce qui va bien entendu conduire ses membres en prison. Ils sont accusés d’avoir commis deux cambriolages à Banfora, au cours d’un desquels un vigile a été blessé. Dans le cadre de cette procédure judiciaire, FS est déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo (MACB) en octobre 2008. Il va y croupir jusqu’en décembre 2021.
Le calvaire carcéral
De son récit, l’on retient que la vie dans nos Maisons d’arrêt et de correction n’est pas une sinécure. Il y a du tout. Sauf à manger à sa faim. FS raconte qu’à la MACB, ils ont droit à un repas par jour. Puis, chacun doit se débrouillers’il veut un autre repas. « Soit tu as des parents qui t’amènent de quoi manger ou tu as de quoi préparer toi-même », confesse-t-il. Côté sanitaire, il recevrait une boule de savon chaque mois ou tous les deux mois. Pour ce qui est des soins primaires, il raconte qu’il y a des difficultés à obtenir du paracétamol. Mais, il pondère cela par le fait que les prisonniers ont aussi tendance à le vendre ou à l’utiliser à d’autres fins. Il dénonce aussi la brutalité de certains agents des Gardes de sécurité pénitentiaire (GSP). Là aussi, il modère que certains sont réellement gentils. «Certains (GSP : ndlr) utilisent parfois leur téléphone portable pour permettre à des prisonniers d’appeler leurs proches sans même réclamer ou prendre de l’argent», dit-il.
Ce que FS regrette le plus, c’est le manque de formation des prisonniers. Il estime qu’on forme plutôt de «futurs bandits » en prison. Car, ils sont poussés dans l’oisiveté et la paresse. « Lorsque vous donnez à manger à quelqu’un, il faut lui apprendre comment obtenir cette nourriture », enseigne FS.
Des remords
Aussi, plaide-t-il pour que l’Etat trouve les moyens de former les prisonniers à des métiers (couture, soudure, agriculture…) qui leur permettent de travailler à leur sortie de prison. Et il cite comme bel exemple, le centre pénitencier de Baporo où des détenus produisent. Seulement, ils sont peu nombreux à avoir cette chance, de l’avis de FS. Pour lui, « emprisonner quelqu’un pendant des décennies sans lui apprendre à travailler ne rend pas service à la société ». Il ne se dédouane pas de ce qu’il a pu faire comme mal, mais il estime que tout le monde fait des erreurs, même si certaines sont plus graves que d’autres. Actualité oblige, FS souhaite que les Burkinabè puissent se pardonner, afin que le pays retrouve la paix. Parce que lui-même « ne souhaite pas que ce qui m’est arrivé, arrive à quelqu’un d’autre. Il faut apprendre un métier et travailler. Je n’envie plus ce qui appartient à autrui, encore moins voler ce qui appartient à l’autre», conseille FS.
Aly KONATE
alykonat@yahoo.fr