Devenue une tendance urbaine, la consommation de chicha séduit de plus en plus de jeunes à Bobo-Dioulasso. Présentée comme inoffensive, elle est pourtant dangereuse pour la santé. Entre séduction, ignorance et manque de contrôle, les inquiétudes se multiplient.
De passage à belle ville, un groupe de jeunes assis dans un Grin, souffle lentement une épaisse fumée parfumée à la fraise. « On se retrouve entre amis pour déstresser après les cours et les petits boulots. Ce n’est pas comme la cigarette, c’est plus ‘‘soft’’ », disent-ils en riant. Comme eux, de nombreux jeunes bobolais se tournent vers la chicha pour se ‘‘détendre’’. Son apparence inoffensive, ses goûts sucrés et son image ‘‘moderne’’ séduisent. Le phénomène s’est largement démocratisé ces dernières années dans la ville, au point qu’il est courant de voir des adolescents s’adonner à cette pratique.
Une multiplication des points de vente
Selon un vendeur de chicha dans un quartier populaire de Bobo, qui a préféré s’exprimer sous anonymat, la demande est en hausse. « Je vends en moyenne dix appareils par semaine. Ce sont surtout les jeunes qui achètent, parfois même les parents pour leurs enfants, croyant leur faire plaisir ». Mais cette facilité d’accès pose problème. Aucun contrôle imposé à la vente de chicha, déplore des parents.
Derrière la fumée, un vrai danger pour la santé
Le Dr Clarisse Ouédraogo, pneumologue au Centre hospitalier universitaire de Bobo, est catégorique : « une séance de chicha de 45 minutes équivaut à fumer plus de 40 cigarettes en termes d’exposition à la fumée. Les jeunes ne le savent pas. Les produits toxiques sont inhalés en profondeur, ce qui augmente les risques de cancer, de bronchite chronique et d’hypertension. Selon elle, les cas de jeunes atteints de troubles respiratoires liés à la consommation de chicha se multiplient. « Certains arrivent à l’hôpital avec des difficultés respiratoires, mais refusent d’admettre que cela vient de la chicha. Ils pensent encore que c’est « moins dangereux » ».
Un phénomène social et identitaire
Selon le sociologue Abdoul Karim Konaté, spécialiste des questions de jeunesse, la chicha est devenue un marqueur social. Elle représente une forme d’émancipation, une appartenance à un groupe. Chez certains jeunes, c’est un moyen d’affirmer leur modernité et leur style. Mais ils n’ont pas conscience du coût sanitaire et social de cette pratique.
Une réalité que confirme un parent d’élève. Il confie que « un jour en voulant laver le sac d’école de ma fille de 16 ans j’ai trouvé ce petit truc, je lui ai posé la question et elle me dit que c’est chicha étonnée elle me dit que Si tu ne fumes pas, on te traite de gamine. On me dit que je suis trop sérieuse. Alors elle fait juste comme les autres, même si elle n’aime pas trop », Avoue-t-elle
Emmanuel Sankara, père de trois enfants adolescents, s’inquiète. Il dit que « quand je surprends mon fils avec une chicha, il me dit que ce n’est pas une drogue même quand on les punit ils trouvent toujours un moyen de ramené d’autre encore. Comment lutter contre ce que la société glorifie dans les clips vidéo, sur TikTok ou dans les soirées ? Je me sens impuissant », dit-il. Derrière donc les bulles parfumées et l’illusion d’un moment agréable, la chicha tisse sa toile dans la jeunesse.
Adéle SANKARA/Stagiaire
