Vente en live via TikTok :quand les commerçants troquent leurs étals pour les caméras

Au Burkina Faso et presque partout dans le monde, on remarque que TikTok est devenu l’une des applications le plus utilisées. Aujourd’hui, cette application est devenue un point incontournable de vente pour les commerçants et connait un essor fulgurant. Portées par la popularité de Facebook et TikTok, elles transforment la manière d’acheter et de vendre. Simples, rapides et ludiques, elles ouvrent de nouvelles perspectives aux commerçants, tout en posant des défis liés à la confiance et à la régulation. 

 

Il suffit d’ouvrir TikTok un soir de semaine ou à n’importe quelle heure pour s’en rendre compte. Un flot de directs inonde les fils d’actualité. On y voit des vendeurs ou vendeuses présenter leurs articles comme sur un plateau télé improvisé. Ces articles sont notamment les pagnes, les perruques, les téléphones et leurs accessoires, des paires de baskets, des sacs à mains, des meubles pour maisons, des nourritures, les habits de friperies et autres. Tout se vend en live. Les internautes commentent, réservent, envoient des messages privés, font des transactions d’argents et le commerce se conclut en quelques minutes.

Cette nouvelle manière de vendre séduit, parce qu’elle est interactive et donne une impression de proximité. Le client n’a plus à se déplacer au marché, il assiste à une sorte de démonstration à domicile.

Une chance pour les jeunes commerçants

Pour de nombreux jeunes, surtout ceux qui n’ont pas les moyens d’ouvrir une boutique, le live est une bouffée d’oxygène économique. Il suffit d’avoir les articles à sa disposition et une connexion pour lancer le live. Cela, peu importe l’endroit où le commerçant ou la commerçante se trouve. Les clients viennent à eux et ils concluent ensemble le marché comme s’ils sont à proximité. Salimata Bamogo, 24 ans, a fait de TikTok Live son principal canal de vente. « Avant, je dépendais des marchés et je vendais très peu. Aujourd’hui, avec mes directs, je touche des clients à Ouagadougou, à Bobo, et même à Abidjan. En une soirée, je peux vendre une trentaine d’articles », explique-t-elle. Avec un simple téléphone et une bonne connexion Internet, certains se construisent une clientèle fidèle. Les ventes en live deviennent donc une véritable alternative à l’économie classique, surtout dans un pays où le chômage reste élevé et où chaque opportunité compte.

Mais la confiance reste fragile

Pourtant, derrière l’enthousiasme se cachent des déceptions. Issouf Sawadogo, étudiant en ressources humaines dans une université de la place, raconte son expérience amère. « J’ai payé une paire de chaussures en direct. Elle n’a jamais été livrée. Quand j’ai essayé de rappeler le vendeur, il avait bloqué mon numéro », déplore-t-il. Ce genre de témoignage circule de plus en plus. Les produits sont différents de ceux présentés à l’écran. Entre commandes non honorées et livraisons retardées, les plaintes ne manquent pas. L’absence de structure formelle et de régulation transforme parfois ces ventes en un terrain propice aux arnaques. Cette autre cliente, Beatrice Kaboré, une fonctionnaire, nous raconte. « J’ai payé deux gros sacs à main en ligne, à l’arrivé les sacs étaient tellement petits que j’étais découragée. Encore, j’ai payé deux dentèles qu’on vend en yard, lorsque j’ai déballé il y a une qui était très sale comme s’elle a été stockée pendant 10 ans ; avec une odeur insupportable, pourtant sur la photo c’est très joli. J’ai retournée et ils m’ont retourné mon argent, mais j’ai perdu en termes de frais d’expédition », déplore-t-elle.

Entre opportunité et désordre numérique

Il faut reconnaître que le live a changé la manière d’acheter et de vendre. Mais cette rapidité et cette spontanéité s’accompagnent d’une grande fragilité. Dans un marché traditionnel, on voit, on touche, on négocie. Dans le live, tout repose sur la confiance et la bonne foi du vendeur. Or, quand cette confiance est rompue, c’est tout le système qui en pâtit Le constat est simple : cette pratique pourrait être un moteur d’innovation, mais faute de règles claires, elle risque de perdre sa crédibilité. Comme le souligne Dr Aminata Zongo, spécialiste en communication digitale, « le live favorise l’impulsivité d’achat. Mais sans protection des consommateurs, il peut devenir une zone grise où l’arnaque prospère plus vite que l’innovation ». Quoi qu’il en soit, les ventes en live ont déjà imprimé leur marque dans les habitudes urbaines. Elles combinent commerce, divertissement et interaction sociale. On ne se connecte pas seulement pour acheter, mais aussi pour suivre l’ambiance, commenter, rire, parfois même critiquer. C’est un mélange de marché et de spectacle, un nouveau rituel du soir pour certains internautes. L’avenir de ce phénomène dépendra de deux choses : la capacité des vendeurs à instaurer une relation durable de confiance, et la mise en place d’un cadre qui protège les acheteurs. Sans cela, les ventes en live pourraient rapidement basculer de solution innovante à source de méfiance.

Estelle Wende Mi KOUTOU

Adèle SANKARA (stagiaire)