Lors d’une de ses sorties médiatiques après son arrivée au Premier ministère, Apollinaire Kyèlem de Tambèla informait que des leaders d’Organisations de la société civile « sont venus nous voir » et ont demandé de leur donner de l’argent pour qu’elles organisent des manifestations de soutien à la transition. Naturellement avait-il, « nous n’avons pas d’argent pour ça ».
Ce qui veut dire deux choses. D’abord « tout étant urgent » et la priorité de la transition étant de chercher les moyens (tous les moyens) pour lutter contre le terrorisme, il n’est donc pas question de dilapider les maigres ressources de la nation dans des manifestations inutiles. Ensuite, le Premier ministre signifiait par ces propos qu’en réalité, la transition n’a pas besoin de soutien à travers des manifestations dans la rue. Car, peut-on comprendre, ce n’est pas la rue qui a fait le coup d’État, ce n’est donc pas à la rue d’imposer et d’imprimer la cadence. Malheureusement, le vers était déjà dans le fruit si bien qu’aujourd’hui, la transition est prise dans son propre piège, à la limite, congénital.
Les manifestations organisées au moment même où se déroulait le coup d’État du 30 au 2 octobre étaient déjà le mauvais signe que lorsqu’on parvient au pouvoir par la rue, on risque de diriger par la rue. C’est ce que vit la transition en ce moment. Ce qui est dangereux car en aucun cas, la rue dont les revendications ne sont pas toujours réfléchies, muries et homogènes, ne peut servir de boussole à un pouvoir. Notamment quand il s’agit d’une transition comme celle qui est en cours actuellement et dont les objectifs sont bien connus : restaurer l’intégrité territoriale du pays en le libérant des groupes armés terroristes et refonder la gouvernance. Qui est donc l’auteur des manifestations et à qui profitent-elles ? Quand on sait que le pouvoir militaire à son arrivée a suspendu les activités des partis politiques et des organisations de la société civile, on peut, naïvement, estimer qu’il n’en est ni l’instigateur ni le financier. Mais comme il ne dit rien et laisse faire, on peut aussi, naïvement, l’accuser d’en être le commanditaire. Si tel est le cas, à quelle fin ?
Le pouvoir militaire de la transition est un pouvoir de fait. Qu’on manifeste pour le soutenir ou pas, il l’est déjà. La seule et intelligible manifestation à tenir, c’est celle de répondre aux objectifs de la transition. Autrement, les moyens financiers et logistiques qui sont mobilisés aujourd’hui pour organiser toutes ces manifestations dans le but de soutenir la transition pouvaient servir d’effort de guerre pour soutenir les Volontaires pour la défense de la patrie qui donnent leurs vies sur le théâtre des opérations pour défendre la patrie. En outre, l’un des principaux dangers de ces manifestations, est leur glissement vers la religion. Le pouvoir de la transition est-il un pouvoir religieux ? Est-ce par la religion qu’il veut diriger et se maintenir au pouvoir ? Il faut vite clarifier tout cela avant qu’il ne soit trop tard.
Dabaoué Audrianne KANI