C’est le moins qu’on puisse dire à l’annonce d’un «coup d’État déjoué grâce à des soldats intègres» par l’Agence d’information du Burkina, relayant une information rendue publique dans la soirée du samedi 9 novembre 2024 par la Radiodiffusion- Télévision du Burkina (RTB). Le confrère relate que : «Il y a quelque temps, un individu a approché des soldats de l’armée burkinabè dans le but de les engager dans un projet de coup d’État contre le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré». Ceux-ci auraient alors «informé leurs supérieurs hiérarchiques, qui leur ont ordonné de jouer le jeu afin de pouvoir capturer les instigateurs et leurs complices», poursuit l’AIB. Et le comploteur est tombé dans le panneau. Ainsi, «le vendredi 8 novembre 2024, au moment où le planificateur s’apprêtait à remettre l’argent aux soldats, il a été arrêté par des éléments de l’unité Guépard», précise l’AIB. Les images de la RTB montrent un pick-up contenant des valises remplies de billets de banque, estimés à cinq milliards FCFA.
Cette énième tentative de coup d’État aura échoué grâce à l’intégrité des soldats qui ont résisté à l’appât du gain facile. Il faut donc leur tirer le chapeau. Eux au moins sont dignes de chanter le Ditanyè (chant de la victoire) et de crier haut et fort «La Patrie ou la mort, nous vaincrons !» (Devise du pays des hommes intègres).
Cela rappelle cette arrestation du Sieur Sia Popo Prosper en 2002, par des policiers qui avaient aussi refusés l’importante somme que leur proposait ce dernier pour fuir avec le butin du casse de l’agence BCEAO d’Abidjan. Si les deux autres agents avaient été décorés pour cela par les autorités, la principale actrice de cette arrestation, Béatrice Sanon, ne l’avait pas été. Il a fallu attendre 2022, alors qu’elle était à la retraite depuis 2017, pour corriger cette injustice. Cela par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) qui l’aura décorée pour son intégrité. Puis en janvier 2023, la Direction générale de la police nationale lui a décerné une récompense pour service rendu. Espérons que dans le cas présent, les soldats intègres ne connaissent pareille frustration.
Cette tentative de corruption pour perpétrer un coup d’État soulève quelques interrogations. Comment un individu doté du minimum d’intelligence peut-il vouloir se pavaner dans les rues de la capitale, alors que les autorités de Ouagadougou ont instauré un contrôle et une fouille de rigueur des véhicules, y compris ceux des diplomatiques ? Des contrôles étendus jusqu’à la valise diplomatique. Le 23 septembre dernier, le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamadou Sana, dénonçait une « tentative de déstabilisation », pilotée depuis l’étranger par des anciens responsables, dont l’ex-président, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Par la suite, un certain nombre d’officiers ont été radiés de l’armée, même si la raison avancée ne fait pas allusion à ladite tentative. Dans ce contexte, en plus du vent de patriotisme qui souffle au Burkina Faso en ce moment, il paraît plus que suicidaire de s’aventurer dans une telle démarche de corruption en vue de coup d’État. Ce qui donnera sans doute du grain à moudre à tous ceux qui soupçonnent le régime de la transition de fabriquer de fausses tentatives de déstabilisation. Mais, comme le dit un adage africain, «cabri mort n’a peur du couteau !» Il y aura toujours des individus prêts à tout pour avoir le pouvoir. Même au risque de précipiter le pays dans le gouffre.
Aly KONATE