Le Burkina Faso est riche de sa diversité culturelle et sa multiplicité ethnique. Chaque groupe ethnique est divinisé en caste et chaque caste à sa particularité et son rôle à jouer, et ce, en fonction des localités. Le 20 août 2022, nous sommes allés à la rencontre d’une famille de forgerons dans le village de Kôrô, pour connaitre en quoi consiste leur travail et comment ils l’exécutent.
Kôrô est un village rattaché à la commune de Bobo-Dioulasso. Situé à une quinzaine de kilomètres à l’Est de la ville, ce village est réputé pour son relief, composé de rochets de granites. C’est de là notamment qu’il tire son surnom de ‘’village perché’’. C’est un village Bôbô, une des ethnies du Burkina Faso. Nous partons ce jour à la rencontre d’une famille de forgerons de ce village perché. Notre ‘’petit’’ voyage nous amène sur la route nationale numéro 1, après une grosse pluie tombée dans la nuit. Nous sommes à moto, il goutte toujours et il faut rouler prudemment. Comme la plupart du temps, la route en question est bien animée. Les gros porteurs et les cars de transport en commun y dictent leur loi. Nous sommes donc obligés de rouler très souvent sur le bas-côté du bitume. Dangereux aussi, mais nécessaire. Notre périple sera de courte durée. A peine une dizaine de minutes, nous apercevons une plaque nous indiquant à notre droite le village perché de Kôrô. Nous bifurquons pour emprunter cette fois-ci une voie non bitumée. La beauté du paysage attire très vite notre attention. Il y a beaucoup d’arbres atour de nous et des collines de granites. La récente pluie tombée nous fait sentir le pétrichor. En moins de deux, nous arrivons à destination. Avant de franchir l’entrée de la concession nous sommes accueillis par des sons curieux provenant de la cour. Une fois à l’intérieur nous constatons que les bruits proviennent des coups de marteau sur des barres de fer. Les hommes sont en plein travail.
Un métier transmis de père en fils
Au coin de la concession, sous un arbre, des hommes sont en plein travail. Un véritable travail à la chaine, qui nécessite un effort physique et une résistance particulière à la chaleur. Ils s’attèlent à donner à souhait des formes au métal. Il y en a un par exemple chargé d’attiser la flamme servant à chauffer le fer. Un autre sculpte la manche en bois de la daba ou de la pioche, c’est selon ce qui est en cours de confection. Juste à côté, un troisième récupère le produit fini (la manche en bois) et y perfore un trou dans lequel on insèrera la lame de la daba. Un peu plus loin, un quatrième qui, à l’aide d’un marteau, tape sur le métal rougi par la flamme pour lui donner la forme souhaitée. C’est là que l’adage « battre le fer quand il est chaud », prend tout son sens. Un coup d’œil sur ce travail nous permet de conclure qu’il n’est pas des plus aisés. Ces forgerons ne se privent donc pas de se désaltérer avec de la bière de mil (communément appelée du dolo). Leur produits sont des commandes, mais aussi très souvent fabriqués et mis en vente. A entendre Issouf Sanou, un des doyens de cette famille, il n’est pas permis à n’importe quelle personne d’exercer le métier auquel on assiste à l’exécution. Il est réservé à la caste des forgerons et est transmis de père en fils. Eux sont originaires du Mandé, nous dit-il. Ce septuagénaire nous confie qu’il a lui-même appris le métier auprès de son papa dès l’âge de 15 ans. Et dans les débuts, c’est l’apprenant qui est chargé d’attiser la flamme, en attendant d’être aguerrit.
De l’argile pétrie aux canaris
De l’autre côté de la cour, les femmes sont également à pied d’œuvre. Elles, leur travail consiste à confectionner des pots, des vases ou des plats entre autres, en terre cuite. Elles éclairent nos lanternes en affirmant que ce travail également leur est réservé en tant que forgeronnes. Elles sont assises côte-à-côte, entrain de malaxer l’argile qui servira à la confection de leur poterie. D’une main agile, Kadidia Sanou donne peu à peu forme à l’argile. Ce n’est pas n’importe quelle argile, nous prévient-elle. L’argile doit avoir des caractéristiques bien spécifiques qu’elles connaissent, pour pouvoir l’utiliser. Quant à sa provenance, Kadidia Sanou n’a pas lâché un mot là-dessus. Elle continue paisiblement son travail et il ne lui a fallu qu’une dizaine de minutes pour confectionner son vase. Mais ceci n’est que le début, soutient-elle. Son vase est encore mou, humide et se détériorerait au moindre faux mouvement. Il faut le faire passer dans les flammes. La chaleur permet de non seulement durcir le vase, mais aussi de le rendre imperméable, nous confie-t-elle. Elle exerce ce boulot depuis sa tendre enfance et ce, jusqu’à présent. Notre potière affirme que par journée de travail, chacune d’elles peut confectionner entre 8 et 10 produits de poterie. « Quand on entame la journée de travail, certaines peuvent confectionner 8 vases et d’autres 10, si les vases ne sont pas trop grands. A l’issue de cela, on se rend au premier campement pour vendre nos produits », conclue-t-elle. Que ce soit donc le travail du fer ou celui de l’argile, cette tâche incombe à la caste des forgerons.
Abdoul-Karim Etienne SANON, de retour de Kôrô