Dossier Thomas Sankara en justice, saura-t-on la vérité ?

Un justiciable a décidé de ne plus aller au tribunal pour assister à un dossier dans lequel il est concerné. Tout simplement parce qu’il ne pouvait pas supporter qu’en lieu et place de la vérité, que lui-même connaît parce acteur des faits, on tourne autour du pot. Tout simplement parce que les uns et les autres veulent avoir raison. Depuis, il n’a plus confiance à la justice. Ce qui nous ramène à opposer la justice et la vérité. Autrement, qui dit justice dit-il vraiment vérité ? Là se trouve toute la question. Quand la justice militaire a rendu son délibéré portant mise en accusation de Blaise Compaoré et de treize autres personnes dans l’affaire Thomas Sankara, les déclarations des avocats des deux parties sont la preuve qu’on risque d’avoir la justice, mais pas la vérité. Alors que l’avocat de la famille Sankara estime qu’enfin le dossier sera jugé afin qu’on n’en finisse avec, l’avocat de Gilbert Diendiéré (donc de la défense) estime que le dossier est prescrit et qu’en aucun cas, il ne peut être jugé. Si la partie civile est déjà dans le fond du dossier, la défense est dans la forme. Et comme on le dit, la forme tient le fond en l’état. Autrement, la forme et le fond sont si liés, que l’un dépend de l’autre. Si bien qu’on est en droit de se demander si on connaitra la vérité, la vraie dans cette affaire Thomas Sankara et dans tous les autres affaires de crimes économiques, de sang ou autres si on emprunte le chemin de la justice classique. Si le dossier Thomas Sankara, même emblématique, doit être traité par la justice classique, il faudra que les autres dossiers le soient aussi. Un crime équivalant à un crime, l’assassinat de Thomas Sankara équivaut à celui de Nézien Badembié, de Boukay Lengani, d’Henri Zongo, de Clément Ouédraogo et à celui de tous les autres.

Du coup on se demande si la réconciliation nationale que tout le monde souhaite de son vœu, dans un cadre strictement burkinabè, sera une réalité parce qu’on risque de ne pas connaître la vérité. Alors qu’en plus de la justice, les Burkinabé voudraient bien savoir ce qui s’est passé dans leur pays. Afin de rétablir l’histoire que, jusqu’à présent, chacun écrit en fonction de ses intérêts. N’est-on pas encore en train de tendre vers ce 30 mars 2001 où les uns ont tendu la main dans le cadre de la même réconciliation, que les autres n’ont jamais saisie ? Il faut certainement éviter de commettre les mêmes erreurs du passé.

Roch Marc Christian Kaboré, dans son programme, définit la réconciliation à travers le tri-type vérité-justice-réconciliation. Pendant que son ministre d’Etat en charge de la Réconciliation nationale s’active pour trouver la formule exacte à adopter, cette mise en accusation (qui suppose le jugement très prochainement du dossier) vient comme un pavé dans la marre. Du reste, il n’est nullement question d’empêcher la justice de faire son travail, mais qu’elle permette aux Burkinabé de connaître la vérité. La vraie.

Dabaoué Audrianne KANI