Plusieurs kilomètres de voiries ont été reprofilés à Bobo-Dioulasso par la délégation spéciale de la commune. Prétextant des excès de vitesse des usagers et la poussière sur ces voies, des riverains ont anarchiquement érigé des ralentisseurs pour y faire face. Le 15 février 2023 nous avons arpenté quelques voies concernées pour recueillir l’appréciation des usagers face à ces actes. Lisez !
Il est 9h30mn environ quand nous arrivons au secteur 25 de Bobo-Dioulasso, sur la voie nouvellement reprofilée, menant au marché de la zone. Pour parcourir une distance de 500 mètres là-dessus à partir du goudron, la nationale n°1, il faut affronter au moins une dizaine de ralentisseurs, anarchiquement érigés par certains riverains. Accélération et décélération à chaque 10 mètres environ, c’est le quotidien des véhicules, quatre ou deux roues pour monter et descendre de ces ralentisseurs. Au bord de la voie, non loin du marché du secteur 25, avec ses collaborateurs, Sidiki Ouattara fait tourner sa “petite” entreprise, composée d’un atelier de maintenance informatique, de cyber café et de secrétariat. Il fait partie de ceux qui ont érigé quelques-unes des ralentisseurs sur cette voie, notamment ceux devant son atelier. Il ne manque pas d’argument pour justifier son acte.
«On aurait préféré que l’état de la voie reste comme c’était avant»
Sidiki Ouattara justifie l’érection de ces ralentisseurs par les excès de vitesse de certains usagers constatés depuis le reprofilage de cette chaussée qui entrainent souvent des accidents de circulation et soulèvent énormément de poussière. «Actuellement notre photocopieur est en panne, grippé par la poussière. Le sol à l’intérieur et à l’extérieur de l’atelier est recouvert de poussière malgré qu’il ait été nettoyé le matin», confie Sidiki Ouattara. Donc malgré ces ralentisseurs il y a toujours de la poussière ? demandons-nous à notre interlocuteur. Celui-ci répond par l’affirmatif. Cependant, il précise qu’elle a nettement baissé par rapport au moment où il n’y avait pas de ralentisseur sur l’axe. Il ajoute que «si on savait que la poussière allait nous empêcher de travailler on aurait préféré que l’état de la voie reste comme c’était avant». Ce sont sur ces mots que nous prenons congé de Sidiki Ouattara. Nous mettons le cap sur le secteur 24, séparé de notre position par la nationale n°1, sur une autre voie reprofilée.
Un mouvement qui fait des adeptes
Il y a des usagers que ces ralentisseurs ne dérangent pas. C’est le cas d’Antoinette Daïla, rencontré au secteur 24 de Bobo, qui adhère à l’action. Pour elle, ces ralentisseurs empêchent les usagers de ces routes de faire de la vitesse et du coup la poussière est atténuée. Abdoul-Rachid Kadiri, embouche la même trompète que Dame Daïla. Il affirme lui aussi que l’érection de ces ralentisseurs est justifiée. Comme argument, il soutient également qu’ils permettent de réduire les accidents, pour peu que les usagers fassent attention à eux. Parce que pour lui, en pleine vitesse, tomber nez à nez sur un ralentisseur sans être averti crée tout aussi un accident. Abdoul-Rachid Kadiri avance que c’est aux usagers, au tant que possible, de rouler avec prudence.
«On en a marre»
Un peu plus loin sur le même tronçon, nous accostons Abdoul-Karim Barro, commercial à Koyamga services spécialisé dans la production d’eau minérale, dans sa fourgonnette de livraison. C’est très remonté qu’il se prononce sur l’érection de ces ralentisseurs. «On en a marre», sont les premiers propos de notre commercial. Selon lui, ces ralentisseurs créent trop de problèmes car «on ne peut même plus circuler paisiblement sur ces tronçons reprofilés à Bobo. J’ai changé mes amortisseurs il y a à peine deux semaines de cela et ils sont déjà cassés», regrette-t-il. Son regard est tourné à présent vers la commune pour pouvoir régler ce problème. Mais que fais la délégation spéciale face à ces actes ?
«Ces ralentisseurs, nous on va toujours les raser»
Dans l’optique de savoir ce qui est fait au niveau de la municipalité contre ces ralentisseurs anarchiquement érigés, nous avons pris langue avec les services compétents de la commune. Il est midi lorsque nous arrivons à la voirie municipale. Nous sommes reçus par Ismaël Sana, directeur des infrastructures routières et de la mobilité de la commune de Bobo. Il fait savoir que ces ralentisseurs sont des obstacles qui sont interdits. «Nous on demande d’abord à la population d’être civique. Parce que nous on classe l’érection de ces ralentisseurs dans l’incivisme. Il faut également que les usagers roulent à une vitesse modérée pour éviter la poussière car c’est à cause de cette poussière notamment que des riverains érigent des ralentisseurs», relate Ismaël Sana. Hormis cela, ce sont 377 kilomètres de voiries qui ont été reprofilées à Bobo et il est difficile avec une seule citerne de tourner sur toutes les voies pour les arroser, regrette-t-il. «Ces ralentisseurs, nous on va toujours les raser car en termes de sécurité routière, ce n’est pas indiqué», précise-t-il. En attendant, Ismaël Sana en appelle à la responsabilité de chacun car à la place d’un ralentisseur anarchiquement érigé rasé, poussent plusieurs autres.
Abdoul-Karim Etienne SANON