Grandes funérailles à Pala : Un duo final entre masques

La saison des funérailles sèches des Bobos de la contrée de Sya ont débuté comme de coutume par le village de Pala. Une effervescence populaire qui a connu son point culminant dimanche 14 mars 2021, avec la présence d’autorités locales et régionales. Mais, c’est le lendemain lundi 15 mars que les dernières cérémonies ont eu lieu, avec une danse finale dans un duo de plus d’une heure entre les masques de Pala et ceux de Léguéma.

Les autorités, régulièrement invitées à ces grandes célébrations mi-cultuelles mi-culturelles ont répondu présentes ce dimanche 14 mars 2021 aux grandes funérailles ou funérailles sèches de Pala. Il s’agit pour ces populations traditionnalistes de « faire le nécessaire pour le repos de l’âme des disparus ». Cela n’a rien d’anodin pour un vrai Bobo. C’est la chose la plus sérieuse dans cette culture. Témoignage d’un connaisseur bien introduit dans sa culture bobo : «Ne pas le faire, c’est contracté une dette grave envers les morts qui eux, l’ont fait pour les morts qui les ont précédés dans l’au-delà. Ce n’est pas une plaisanterie. Si on ne le fait pas, les morts se vengent jusqu’à ce que justice leur soient rendue. Si on se dérobe à cette tradition, cela peut occasionner des morts…. C’est pourquoi, lorsqu’on se rend compte que quelque chose d’important a été omis au cours de l’année coutumière, on se dépêche de régler cela pour réparer le tort. Et c’est parfois suite à un rêve qu’on est alerté. Je me rappelle avoir une fois participé à une de ces cérémonies de réparation où j’ai dû me mettre nu».

Danses générationnelles

C’est le côté festif qui est le plus connu et fait de ces trois à quatre jours de véritables jours de fêtes avec des invités venus de la ville et de plusieurs villages coutumièrement liés entre eux par un jeu complexe d’alliances. Les masques de ces villages participent aux funérailles en se succédant à tour de rôle sur l’aire de danse. Comme ce dimanche à la cérémonie officielle, et comme ce lundi, dernier jour des funérailles, où les derniers masques ont effectué les danses de clôture des premières funérailles sèches de la région. Qui seront dans quelques jours ou semaines suivies par celles de Koro, etc. « Tu n’étais pas là hier, mais tu auras l’occasion de voir les masques de Pala et de Léguéma. C’est le dernier jour, il y aura moins de monde. Tu peux prendre autant de photos que tu veux », me rassure un doyen, à peine plus âgé que moi mais dont la génération ne danse plus. « On laisse la place à nos petits frères et nos enfants maintenant ». Assis à la tribune officielle depuis près d’une heure, nous faisons face à cet espace réduit par la foule et arrosé pour l’occasion. Avant que n’arrivent les premiers masques sous les cris des accompagnateurs et au rythme de cette musique si caractéristique.

La danse des masques a drainé une foule nombreuse au village de Pala le week-end dernier

Masques de différents genres se succèdent, par des danses majestueuses, athlétiques, vigoureuses, selon les types de maques. « Un masque est un masque ici, il ne faut pas les diviser en ceci et cela », nous avertit notre interlocuteur. « Ils ont tous la même importance pour nous. »

Chorégraphie et langue hermétique

De la première à la dernière minute, on se laisse impressionner par la chorégraphie de ces danseurs remarquables dans leurs gestuels. Masque en solo, masque et homme, masque en duo, en trio, etc. Sans la moindre fausse note, sans le moindre accrochage. Une esthétique qu’il n’est pas nécessaire de décortiquer pour l’apprécier. Sans doute avons-nous eu la chance de tomber sur certains des meilleurs danseurs. On a parfois vu de moindres performances qui arrachaient à des aînés assis, des plaintes et sans doute des réprimandes dans cette langue hermétique, celle des masques. En fin de danse, la foule s’est dispersée. Mais, le village continuait d’être hanté par la présence des masques et l’autorité des lourdes traditions. Avec des déplacements en files indiennes de ces vigoureux initiés, fouets à l’épaule, allant ici et là, pour procéder aux dernières cérémonies traditionnelles. Il est pour nous temps de reprendre la route, laissant le village toujours en fête, dans des cabarets de plus en plus rares, et des buvettes plus modernes où l’on sert diverses marques de boissons. « Que Dieu nous accorde de voir celles de l’année prochaine ».  Ainsi se terminent les longues salutations d’au-revoir !

Sibiri SANOU