Habibata Granger/ Djiré : « A Bobo, les femmes doivent devenir plus entrepreneures »

Elle, c’est le management de qualité son boulot. Ingénieure et responsable qualité au sein de la direction générale d’un grand groupe français, elle est aussi cheffe d’entreprise, entrepreneure et conférencière. Madame Habibata Granger/Djiré est née à Bobo-Dioulasso. Formée à l’Institut International d’ingénierie de l’Eau et de l’Environnent (2IE), elle a un master spécialisé en gestion de l’eau à Montpelier et des certificats d’auditrice et de management de qualité. La certification ISO, elle en est une des expertes dans l’Hexagone où elle vit depuis 2009. Depuis Lyon, elle nous parle de son Bobo natal qu’elle décline comme le refrain d’une chanson mandingue, et de ses projets au Burkina Faso.

 

C’est quoi Bobo-Dioulasso pour vous?

Bobo, c’est le grand marché. On y allait avec les copines pour contempler les merveilles des vendeuses et vendeurs. Bobo, c’est le stade qui termine le boulevard. Bobo, c’est les mariages les jeudis, dimanche les baptêmes, les « kongnonya» (mariages en dioula). Tout ceci me rappelle une chanson de Salif KEITA et puis de Mariam et Amadou. Les uniformes pour aller faire les « kongnonya ». Pour moi, Bobo, c’est « l’amusement », ce n’est pas au sens négatif, c’est la joie de vivre !

Notre entreprise vient de s’installer à Bobo-Dioulasso

Auriez-vous des projets que vous aimeriez réaliser au Burkina Faso, principalement à Bobo-Dioulasso ?

Dans les mois à venir, je souhaite revenir au Burkina apporter une sensibilisation aux entreprises de Bobo qui me paraissent encore beaucoup trop artisanales. Il faut qu’on aille sur une dimension beaucoup plus industrielle et professionnelle.

 

Dans quel sens?

Qu’elles [NDLR : les entreprises] emboitent les pas de la démarche qualité tout simplement pour mieux se structurer ; ne serait-ce que pour être plus concurrentielles. Bobo, c’est plus le commerce, la version spontanée dans les affaires. J’aimerais apporter un plus pour structurer et valoriser les entreprises de Bobo.J’ai créé une société de certification qui a son siège à Bobo.

 

En tant que femme entrepreneure, que dites-vous aux femmes de Bobo?

Pour moi, ce n’est pas anodin d’avoir choisi Bobo pour mettre le siège de mon entreprise. Bobo, c’est une ville ou tous les dimanches, tous les jeudis ce sont les baptêmes, les mariages. Moi, j’aimerais que les jeunes filles et les femmes contribuent au développement économique de Bobo tout simplement en les incitant à faire de l’épargne et à mieux utiliser les tontines. Vous voyez, leurs économies partent dans l’achat des uniformes pour les mariages et les évènements festifs. J’ai envie de dire que c’est notre ADN, mais les femmes doivent devenir plus entrepreneures. Entrepreneure ne veut pas dire créer une grande entreprise forcement ; c’est plutôt, épargner et investir dans les petits commerces et dans des petits projets. Donc ces femmes peuvent soutenir l’essor de Bobo en partageant leurs efforts et leurs ressources entre des cérémonies et l’entreprenariat.

 

Vous avez animé le 5 janvier 2021 une conférence à l’Hotel Silmandé en présence des autorités de plusieurs ministères et de sociétés. Quelles appréciations faites-vous sur le système de certification au Burkina Faso après votre conférence ?

La démarche qualité opérationnelle marche relativement bien au Burkina Faso. La qualité opérationnelle permet de faire monter une structure à un niveau suffisant sur un référentiel de management de la qualité. La qualité système vient parachever cela en intégrant d’autres aspects comme la sécurité et l’environnement, mais surtout en attestant par une certification, preuve que l’organisme est au point sur le référentiel et qu’il est dans une démarche d’amélioration continue. Si vous voulez, la certification quand bien même non obligatoire, est nécessaire pour « boucler la boucle » et faire exporter les savoirs-faires ; mais cela manque au Burkina Faso à ce jour. De même, les structures déjà certifiées n’arrivent pas à s’approprier la culture qualité, il y a une rupture entre les hommes et la philosophie ISO. Mon entreprise G&D ASMI-CO a pour vocation de venir renforcer cet aspect auprès des principaux acteurs œuvrant dans la qualité opérationnelle comme ABNORM et ABMAQ. Nous ne voyons pas de concurrence mais une complémentarité et tout cela dans le but d’accompagner le Burkina Faso dans sa marche vers le développement effectif.

 

Quelles sont les relations qui ont été nouées après la conférence ?

Il faut rappeler que G&D ASMI-CO qui signifie Granger&Djiré, Audits Système Mines and Co a été créé pour cibler le secteur de l’industrie minière d’abord. En cela, l’issue de la conférence a été positive pour nous, car les gouvernants dans ce domaine ont compris les enjeux et nous font confiance pour améliorer le panel des fournisseurs miniers. De plus, il y a la perspective de compléter l’action des cabinets qualité et les autres acteurs, en collaboration avec le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat et de collaborer pour rendre accessible la certification des PME. La présence à cette conférence des autorités, de parlementaires, de responsables d’agences de l’Etat et de certains hommes et femmes d’affaires est le témoignage de l’intérêt que porte mon pays à ce que mon entreprise souhaite faire au Burkina Faso.

 

Que pensez-vous du marché de certification en tant que entrepreneuse?

Le marché de certification ne peut être démultiplié, car c’est un secteur très réglementé au niveau mondial et à l’échelle de la sous-région Afrique de l’Ouest. En revanche, cela rassure de savoir qu’il y a une telle structure sur place, accessible et qui attire les structures publiques et privées à se lancer dans la démarche qualité. C’est tout bénéfique pour les professionnels dans le secteur de management de qualité, les associations telles que ABMAQ ou même ABNORM qui ont uniquement et légalement pour vocation d’élaborer les normes nationales et de les promouvoir. Quant aux normes internationales comme l’ISO, uniquement l’ABNORM a le droit de les vendre sur le territoire burkinabè. Ensuite, les « cabinets qualité » prennent la relève auprès des structures pour l’accompagnement et les audits internes. Pour boucler le cycle, un organisme de certification comme G&D ASMI-CO délivre le certificat. C’est un processus réglementaire où il faut voir la complémentarité gagnante-gagnante plutôt que de la concurrence. Donc, je dirais que G&D ASMI-CO peut accroitre le marché pour tous les professionnels. C’est tous ensemble que nous arriverons à valoriser le développement endogène burkinabè à l’international.

 

Que peut faire votre société pour qu’une entreprise de Bobo ou du BurkinaFaso soit compétitive?

Une entreprise qui veut être attractive et compétitive doit entreprendre la démarche de management de système et de management par la qualité. Dans un premier temps, elle peut se faire labéliser, se faire certifier ISO. Le fait d’emboiter le pas sur la demande de certification peut faire une grande différence et amener des partenaires internationaux à venir la visiter, car la démarche à elle seule, incite les partenaires et les clients à s’intéresser à cette entreprise.

 

Votre entreprise a-t-elle déjà des clients à Bobo?

Nous sommes en discussion avec l’Office Nationale de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA), la Filature du Sahel (Filsah), SOFITEX et des huileries. Ce ne sont pas encore des clients, mais nous travaillons à développer des projets ensemble. Notre entreprise vient de s’installer au Burkina Faso et nous avons fait le 5 janvier une conférence à l’Hôtel Silmandé sous le thème : «management par la qualité, un levier de développement du Burkina Faso, de l’Afrique». J’espère que cet évènement a fait connaître notre entreprise au Burkina Faso.

 

Des projets dans d’autres pays d’Afrique ?

Nous avons des contacts plus un contrat de partenariat concrétisé au Sénégal et des contacts en Côte-d’Ivoire.

Entretien réalisé par

Kibidoué Éric BAYALA

 

 

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