Infrastructures routières au Burkina : Bobo-Orodara, la route de l’extrême

La route nationale numéro 8, reliant Bobo-Dioulasso-Orodara-Koloko-frontière du Mali, est dans un état de dégradation avancée. Sa réhabilitation a été annoncée par le gouvernement, mais pour l’instant, emprunter ce tronçon, relève d’un parcours de combattant, surtout en cette période de pluie. Nous avons fait le désolant constat en cette journée du 25 juin 2022.

7 heures du matin, sous un ciel couvert et de fines gouttelettes de pluie, nous enfourchons notre moto, direction Orodara, située à 76 km de Bobo-Dioulasso, en passant par la route nationale n°8. Cette route nationale est distante de 125 kilomètres et prend son départ à Bobo-Dioulasso à l’intersection du rond-point Thomas Sankara. Elle passe par Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou et rejoint le Mali par Koloko. La RN8 a été bitumée et inaugurée en 1999. Dans ces premières années de vie, elle assurait la fluidité du transport entre les localités qu’elle traverse et bien plus. Mais actuellement, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pour emprunter cette voie, il ne faut pas être pressé, au risque d’abimer son engin ou augmenter le risque d’accident. Même dans cette dynamique, ce n’est pas toujours évident d’échapper à une panne ou une chute causée par le mauvais état de ce tronçon. En ce qui nous concerne, il a fallu un peu moins de 3 heures d’horloge pour rallier la cité du verger. L’état de dégradation de la voie est très avancé et le bitume, inexistant par endroit. Des trous, parfois béants, jonchent le tronçon sur plusieurs kilomètres. Les motocyclistes n’ont d’autres choix que de slalomer entre ces trous, les automobilistes avancent à pas de tortue et les gros porteurs quant à eux, avancent en ‘’dandinant’’ comme à l’issue d’une soirée bien arrosée. Les piétons, sur le bas-côté, doivent en ce moment faire attention à ne pas se faire renverser par ces engins qui ne sont qu’à la recherche d’une voie praticable. Les compagnies de transport en commun ne se bousculent pas pour rallier Bobo-Dioulasso et Orodara à cause du mauvais état de cette route. Une seule compagnie, à notre connaissance, et quelques rares minicars communément appelé ‘’dyna’’, font de leur mieux pour desservir Orodara le « Verger du Burkina.

Quand le mauvais état de la route impacte l’écoulement des mangues

La ville de Orodara est surnommée, «Verger du Burkina». Elle tire ce surnom du fait de la multiplicité des vergers de manguiers qu’elle abrite. Mais de plus en plus, les producteurs de mangues à Orodara ont du mal à écouler leur produit. Dans les différents vergers que nous avons visités à Orodara, des mangues étaient en état de putréfaction, faute de preneurs. Après une discussion avec des acteurs du domaine, ces derniers nous confieront que le mauvais état de la RN8 y est pour quelque chose. En effet, bon nombre de transporteurs ne veulent plus se lancer dans l’aventure Bobo-Orodara et vice-versa, à les entendre. De peur d’endommager leur véhicule, ou de le perdre (dans un grave accident). Même si la question sécuritaire n’est pas à occulter.

Des pannes dues au mauvais état de la route, les usagers se plaignent

Dès les premiers kilomètres après avoir démarré de Bobo-Dioulasso, on aperçoit déjà un camion stationné sur le bas-côté, visiblement en panne. Nous nous approchons pour confirmer cette situation et nous entretenir avec les propriétaires. Le camion est effectivement en panne, mais les propriétaires ne sont pas à côté, surement allés chercher de l’aide pour se dépanner. Un peu plus loin, nous en croisons un autre. Quasiment le même scénario, sauf que ce dernier n’a pas eu le temps de se ranger sur le bas-côté. Il occupe presque toute la voie, perturbant ainsi la circulation. Il se rendait à Bobo-Dioulasso après avoir chargé de la marchandise dans une usine située hors de la ville, sur la nationale 8. A cause de la voie en question, certains des ressorts à lames qui lui servent d’amortisseurs, ont cédé. Adi Berthé, chauffeur dudit camion, n’en revenait pas. Tout un complet de ressorts à lames qui cèdent en même temps. Pas sous l’effet de la surcharge, mais du fait du mauvais état de la voie. Il affirme que la nationale n°8 ne lui est pas étrangère, pourtant. Il l’emprunte souvent pour se rendre à Sikasso au Mali.

Durant tout le long de notre trajet jusqu’à Orodara, on croisera quelques véhicules gros porteurs en panne, attendant d’être remis sur pied pour reprendre la route. Kassoum Traoré est transporteur. Il est le président de la section Kénédougou de l’Union nationale des petits transporteurs du Burkina. Pour lui, «cette route cause beaucoup de dégâts, que ce soit des pertes en vies humaines ou des pertes matérielles. Surtout en cette saison des pluies. Il y a trop d’accidents du fait du mauvais état de la voie». Pour une distance de 76 kilomètres, il soutient qu’il pouvait le faire en 1h30mn, quand ladite voie était toujours bonne. Mais de nos jours, il regrette de constater qu’il faut 4 heures pour rallier Bobo et Orodara. Pour ce faire, beaucoup de routiers en partance pour le Mali ont abandonné ledit tronçon pour passer par la voie de Faramana sur la nationale n°9, beaucoup plus praticable.

«Il y a des voies non bitumées qui valent mieux que la RN8»

Abdoulaye Barro est un ancien routier reconverti en conducteur de tricycle. C’est effectivement sur son engin, rempli de bois que nous l’abordons sur la RN8. Ce dernier ne part passe par le dos de la cuillère pour exprimer son mécontentement face à l’état de cette voie. Il affirme d’abord bien la connaitre, puisque c’est la voie qui mène à son village. Avant de lancer « qu’il y a des voies non bitumées qui valent mieux que la RN8. Elle est tellement étroite qu’à certains endroits, deux voitures ne peuvent pas se croiser. Il faut qu’une d’entre elles cède le passage», dénonce-t-il. Même son de cloche pour Emma Ouattara, vendeuse de mangues au marché de fruits. Pour elle, cette voie a occasionné beaucoup de pertes. Bon nombre de fois, dit-elle, à cause des pannes à répétition sur cette voie, leurs produits en provenance de Orodara, pourrissent. De notre part, avant d’atteindre la sortie de Bobo-Dioulasso, en allant à Orodara, après juste quelques kilomètres ‘’avalés’’ sur la RN8, nous avons dû revérifier l’état de notre moto pour pouvoir continuer un peu sereinement.

Un mouvement citoyen tire la sonnette d’alarme

Au regard de la dégradation continue de la RN8, le Mouvement citoyen pour la réhabilitation de la route nationale n°8 (MCR-RN8) voit le jour. Il est né de la volonté de l’ensemble des populations directement impactées par l’état de dégradation de ladite route. Son objectif principal est d’obtenir la réhabilitation effective de la RN8 sur toute sa longueur. Le mouvement veut y voir plus clair également dans «l’état d’avancement du dossier d’appel d’offres pour la réhabilitation du tronçon Bobo – Orodara». Nous sommes rentrés en contact avec la direction régionale des infrastructures des Hauts-Bassins pour nous imprégner de l’état d’avancement du dossier de la réhabilitation de la RN8. On nous a promis un retour, mais jusqu’à ce que nous tracions ces lignes, il n’en était rien. Même situation au niveau de l’agence des travaux d’infrastructures du Burkina, AGETIB.

Abdoul-Karim Etienne SANON, de retour de Orodara

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