Le devoir d’ingratitude

Quand on prête serment en tant que Commissaire de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), on doit accomplir son devoir indépendamment de son bord politique. C’est le président de la CENI Newton Hamed Barry qui le rappelle dans l’entretien qu’il a donné sur les chaines de la télévision nationale suite à la démission des cinq membres. Dans la matinée de ce mercredi 24 novembre, cette défection des cinq membres était un des sujets de l’émission interactive de Radio Bobo, chacun y allant de son opinion plus ou moins énervée. Certains intervenants n’ont pas hésité à demander que désormais les intéressés et les hommes politiques en général prêtent serment à la traditionnelle. En prenant les ancêtres à témoins. Comme quoi, on ne se défait pas en cours de route d’un serment qui vous engage face à la Nation et les intérêts de la patrie. La raison invoquée par les démissionnaires est liée au comptage manuel des bulletins. Mais ont-ils trahi leur serment en protestant contre une irrégularité par la méthode de la chaise vide ? La question reste posée. Un départ qui n’était d’ailleurs pas définitif puisque les démissionnaires sont revenus à leurs tâches. Fallait-il les laisser revenir ? Certains répondent catégoriquement “non !”. D’autres disent “oui !” Pour la bonne entente, le déroulement sans entrave du processus menant vers la proclamation des résultats. ‘’Que chacun mette de l’eau dans son vin pour qu’on puisse avancer!’’ Conseillent des Burkinabés modérés. “Attention ! Beaucoup de conflits ou guerres civiles en Afrique ont eu pour origine des élections…”, avertissent d’autres. Newton Hamed Barry s’est longuement expliqué sur les cas de dysfonctionnement dont il a eu connaissance. Ainsi, une quinzaine de bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir dans les provinces à temps. Côté parti majoritaire donné largement favori par les premiers chiffres, on se montre serein et surtout pas concerné par les “plaintes contre X”. Simon Compaoré affirme à ce propos : “Notre candidat était très à l’aise au cours de cette campagne malgré le contexte difficile. On aurait réagit immédiatement si la plainte était déposée contre nous”. La vraie question est de savoir si des irrégularités ont eu lieu, pouvant fausser les résultats du scrutin. Rien ne permet de répondre clairement “oui” ou “non” à cette question. À moins que des preuves tangibles ne soient davantage détaillées pour justifier cette thèse. Pour le moment, l’attente d’une proclamation dans les délais de résultats favorables au président sortant se présente comme un scénario fort probable. Si c’est ce que les urnes disent, tout commissaire doit user dignement de son devoir d’ingratitude envers sa formation politique perdante, pour entériner la vérité des urnes.

Sibiri SANOU