Le ministre d’Etat, ministre auprès du président du Faso, chargé de la Réconciliation nationale et de la cohésion sociale, Zéphirin Diabré a été officiellement installé dans ses fonctions par le Secrétaire général du Gouvernement, Stéphane Sanou. C’était le 14 janvier 2020 à la Présidence du Faso. Voici ce qu’il nous a confié à l’issue de sa prise de fonction.
« Vous me posez une question par rapport aux principaux chantiers, c’est très tôt de les décliner parce que je n’ai pas encore reçu ma lettre de mission. Je m’en voudrais de commencer à anticiper. Mais, si vous m’autorisez en ayant la précaution de langage, je voudrais d’abord dire que vous, les hommes des médias et quelques commentateurs très avisés, ont tendance à ramener la question de la réconciliation sur le terrain uniquement politique. Comme s’il s’agissait de faire en sorte que des leaders ou factions politiques qui s’étaient entendus avant-hier, ce sont querellés hier pour s’entendre aujourd’hui, puis se retrouver dans une sorte de partage de banquet national. Aider nous à mettre dans la tête des Burkinabè, même s’il y a une dimension éminemment politique, parce que notre pays a connu des épisodes de vie politique qui ont créé des situations qui appellent aussi à la réconciliation. De grâce, aidez à convaincre les Burkinabè que ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il ne s’agira pas de faire des arrangements entre nous. Il s’agit au contraire de nous atteler à regarder comment notre pays, du fond de sa société, a évolué et quelles sont les déchirures qui y sont apparues et qui nécessitent qu’on se remette ensemble ? Vous les connaissez, parce que vous les vivez. Nous avons par exemple plus d’un million de Burkinabè déplacés et qui ont peut-être le sentiment de souffrants dans les camps, pendant que les autres mènent une vie paisible et à la limite insouciante. Et qu’eux ne sont plus des Burkinabè comme les autres. On a des groupes ethniques, j’utilise le mot au sens noble du terme, qui, à la faveur de la crise sécuritaire, pour des raisons allant dans un sens comme dans un autre, ont parfois le sentiment qu’ils sont stigmatisés, rejetés. C’est un problème de réconciliation nationale. On a dans notre société des pratiques ou des phénomènes comme des femmes accusées de sorcellerie que l’on met en exil dans notre pays et qui ne sont plus membre de la société. On a des conflits qui touchent à ce que nous avions d’essentiel à savoir, notre tradition et notre coutume. Quant au tour de la chefferie coutumière qui est le pilier et le socle de notre existence en tant que Burkinabè, on a des déchirures qui se répercutent dans le vivre-ensemble. Ce sont des questions de réconciliation nationale. Vous voyez que dans tout ça, je ne parle pas de querelle entre politiciens. Bien entendu, il y a eu aussi des épisodes politiques que notre pays a traversés, qui ont posé des actes qui, forcement, créent des tensions aujourd’hui. Et qu’il va falloir trouver un moyen d’y remédier pour que globalement, nous puissions solder nos comptes, tourner la page et regarder résolument vers l’avenir. Je vous en prie, aidez moi à le faire comprendre à nos compatriotes. Il ne s’agit pas d’une opération pour permettre à des politiciens de s’entendre sur le dos de qui que ce soit. Ça, c’est la face visible de l’iceberg. Mais regardons la face cachée de l’iceberg. Nous sommes une Nation qui est en train de se déliter sous plusieurs aspects et plusieurs angles. Ce là que la question de la réconciliation et de la cohésion de pose de manière beaucoup plus poignante ».
Aïcha TRAORE