Traite d’êtres humains dans un pays voisin : Les sueurs froides d’un rescapé

Lorsqu’on parle de traite d’êtres humains, on a tendance à penser que cela se passe loin de chez nous. Au plus prêt de nous, l’on tourne les regards vers la Lybie. Mais, cette fois-ci, ça se passe dans un pays voisin du Burkina, le Ghana. C’est la peur de sa vie qu’un compatriote nous a contée, mercredi 14 avril 2021.

Tenga (nom fictif), Burkinabè, exerce le métier de forgeron dans son pays. Un jour, « un de mes partenaires m’a envoyé un message par WhatsApp, disant qu’il est au Ghana et travaille dans une mine. Si j’ai un permis de conduire, de lui envoyer une copie par WhatsApp. Il va l’imprimer et déposer mon dossier pour être chauffeur ». Ce que Tenga s’en presse de faire. Suite à cela, il reçoit par le même numéro dudit partenaire les conditions. Si la candidature est retenue, il doit payer 650 000 FCFA, mais il soutient que c’est pour les frais de logement, d’alimentation et de santé. Quelques jours plus tard, il est informé que sa candidature était acceptée. Il va donc envoyer de l’argent et se rend au Ghana, précisément à Koumassi.

Le piège se referme

« Mais, à l’arrivée à Koumassi, j’ai trouvé que le travail, ce n’était pas ça. On nous logeait en groupe dans un bâtiment. Nous étions constamment surveillés. De temps en temps, on nous prend et nous amène tourner dans une mine, King Ros Gold, et on nous ramène dans le bâtiment bien gardé. Tu n’a pas le droit de sortir. Même pour aller aux toilettes quelqu’un te suit. S’il estime que ça dure, il ouvre la porte pour s’assurer que tu y es », dit-il.

Quant à leur hébergement, alimentation et soins de santé, ce à quoi était censé servir l’argent payé au préalable, comme vous pouvez l’imaginer, ce n’est pas le paradis. « Nous étions près de 400 là où nous étions logés. Comme repas c’est du spaghetti qu’on prépare parfois sans sel. Et ce n’est que le soir. Si quelqu’un est malade, c’est entre nous qu’on se débrouille pour lui trouver du médicament. Mais, tu ne va plus voir la couleur de l’argent que tu as payé, soit disant pour ça », répond Tenga.

La peur de sa vie

Son angoisse va atteindre son comble après. « Entre temps, on m’a dit qu’il y avait la possibilité de faire un stage de deux à trois mois en Europe ou au Maghreb, mais il faut payer autre somme. Si tu n’as pas assez d’argent, ils peuvent prélever un rein, quand tu auras payé, ils vont replacer le rein. On m’a dit que certains sont partis, mais durant le temps que j’ai passé là-bas, je n’ai vu personne en revenir. Certains sont partis en stage devant moi». Il faut noter qu’il a passé six mois dans ces conditions, la peur au ventre, avant de voir le bout du tunnel. Pourquoi ne pas fuir ou appeler à l’aide ?

« Quand tu arrives, ils retirent tes papiers et ton portable est contrôlé. Le téléphone est dans leurs mains. Si quelqu’un t’appelle, ils mettent le haut-parleur. Et dictent ce que tu dois répondre. Si c’est par appel vidéo, ils positionnent l’appareil de sorte que l’interlocuteur ne les voit pas », explique-t-il.

Les bénédictions de la mère

Par la grâce de Dieu, Tenga réussira à déjouer la vigilance de ses geôliers. « Si j’ai pu m’échapper, c’est parce que j’ai parlé avec la maman une langue burkinabè que les geôliers ne comprennent pas ». Ainsi, il a pu lui expliquer la situation, lui demander de faire des bénédictions et prières pour qu’il puisse s’en sortir. Il a demandé aussi de l’argent. « Quand ils me demandent ce qu’elle a dit, je leur raconte ce que je veux ».

C’est ainsi que les parents lui ont transféré de l’argent par téléphone mobile. « Quand j’ai retiré l’argent, ils l’ont su, mais ne l’ont pas retiré parce que j’ai expliqué que c’était pour manger dans la journée. Je l’ai gardé dans mon sac sans y toucher. Le jour de ma fuite, je suis parti discrètement à 3 heures du matin en emportant mon sac avec l’argent. Ce n’est pas facile du fait qu’on est nombreux, il y a des va-et-vient. J’ai pris un sentier pour traverser la brousse avant de me retrouver au bord du goudron. Quelqu’un me suivait, j’avais peur. Je croyais qu’il voulait me rattraper pour me ramener. Mais, ce n’était pas le cas. Il m’a vu partir. Cela lui a donné le courage de fuir aussi ». “Ce dernier n’est pas Burkinabè, mais d’un autre pays voisin”, fait savoir Tenga. Il précise que « certains sont à Accra et dans d’autres villes et campagnes du Ghana. Avant que je ne m’en fuisse, un groupe est venu s’ajouter au nôtre. Ce groupe aurait eu des problèmes ailleurs. On l’a déplacé pour l’amener à Koumassi avec nous ».

Des fonctionnaires aussi dans le piège

A la question de savoir si parmi ceux qu’il a laissés là-bas à Koumassi, il y a d’autres Burkinabè ? Il répond par l’affirmative. « Il y a beaucoup d’autres Burkinabè. Même des étudiants et des fonctionnaires qui ont abandonné pour se trouver dans cette situation. J’ai trouvé ma cousine là-bas. Elle était étudiante au Burkina Faso, dans une université publique. Il y a aussi 5 infirmiers. Je connais l’un d’entre eux. Il travaillait dans une structure publique de santé à Bobo », se désole Tenga. La présence de ce dernier a rassuré Tenga, puisqu’il travaillait à la fonction publique. C’est après qu’il a compris que ce n’était pas une bonne situation.

Aly KONATE
alykonat@yahoo.fr

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