Dans sa mission régalienne de contrôler les chantiers, l’Office national du contrôle des aménagements et des constructions (ONC-AC) a engagé depuis quelques semaines, une mission de vérification des constructions et aménagements. Débutée à Ouagadougou elle va s’étendre très prochainement à Bobo-Dioulasso et à d’autres villes du Burkina Faso. A la tête de cette structure au sein du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, Yacouba Siko, évoque dans les colonnes qui suivent l’ampleur de la situation en matière d’irrégularités dans les aménagements et les constructions au Burkina Faso et le processus de démolition des constructions irrégulières. Il parle aussi des installations anarchiques aux abords de la voie de contournement de Ouagadougou.
Pouvez-vous présenter votre structure ?
L’Office national du contrôle des aménagements et des constructions, est un établissement public de l’État qui est né de l’érection de l’ancienne Direction générale du contrôle des opérations d’aménagement et des constructions, qui était une structure technique du ministère. Cette transformation a visé à donner plus d’autonomie de fonction et de gestion à la structure. Ce qui fait qu’aujourd’hui, depuis 2021, nous sommes effectivement un EPE qui agit sur le terrain. Notre mission principale, comme son nom l’indique, c’est de veiller au respect réglementaire des aménagements et des constructions, de s’assurer que tous les aménagements qui sont réalisés et toutes les constructions de bâtiments réalisés sur le territoire national, ont fait l’objet d’une autorisation, soit à travers l’autorisation, soit à travers le permis de construire. Donc, le contrôle, c’est véritablement de s’assurer que nos villes sont construites dans le sens des orientations des documents de planification, dans le sens des outils de planification et des plans de domaine et des détails. Voilà brièvement présentée l’Office national du contrôle des aménagements et des constructions.
Ces derniers mois, vos équipes sont très actives sur le terrain. Quelle est l’ampleur de la situation en matière d’irrégularités dans le cadre des aménagements et des constructions ?
Vous avez raison de le noter, c’est vrai que cette année, particulièrement, nous avons été sur tous les fronts, sur le front des aménagements et sur le front des constructions. Cela a été guidé par le fait que nous avons effectivement assisté en ce qui concerne les aménagements, et depuis la promulgation de la loi portant promotion immobilière en 2023, qui mettait fin à cette anarchie en matière d’aménagement du foncier, à une prolifération d’un certain nombre d’aménagements illégaux et d’un certain nombre d’aménagements qui ne respectaient pas les normes. C’est en l’occurrence la division du terrain par des populations qui n’ont pas la compétence de le faire, sur des espaces qui ne sont pas appropriés ; ce qui fait que cette prolifération d’aménagements, est en train de mettre en mal les orientations des documents de planification qui sont le Schéma directeur d’aménagement du territoire.
Les sorties que nous avons engagées étaient d’abord de mettre fin à cette anarchie en matière d’aménagements qui était menée par les individus de peu de foi, et aussi de s’assurer que nos communes respectent les dispositions édictées en la matière. En matière de construction également, nous avons essayé d’intensifier le contrôle parce que nous avons constaté que les populations s’adonnaient de plus en plus à des constructions qui sont d’ailleurs le fait des aménagements qui avaient été réalisés par un certain nombre de promoteurs sous l’ancienne loi. La plupart du temps, on a constaté que les gens s’adonnaient à des constructions sans pour autant disposer du permis de construire ; ce qui nous a amenés effectivement à redoubler plus d’efforts en matière de contrôle pour arrêter le processus pour que les gens se mettent en règle vis-à-vis de la loi avant de procéder aux constructions et aux aménagements.
Pour réussir cette mission, vous avez besoin de démembrements. Est-ce que votre structure a été démembrée et comment est-ce que vous arrivez à travailler avec vos démembrements ?
Nous avons entrepris, depuis cette érection de la Direction générale de l’office national des aménagements et des constructions, un processus de maillage du territoire. Ce maillage consiste effectivement à créer des antennes régionales. Vu le volume élevé de constructions et d’aménagements au niveau de la région du Centre, nous avons effectivement créé une antenne régionale au niveau de cette région.
Nous avons créé également une antenne régionale dans les Hauts-Bassins, une autre dans le Centre-est et une autre dans le Centre-ouest. Nous avons planifié la création de trois autres antennes dans le Centre-nord, dans le Nord et dans le Plateau Central. Cette dynamique est guidée par le fait que nous avons effectivement constaté que ce sont les régions qui sont dynamiques en termes de constructions et d’aménagements, mais aussi compte tenu des facteurs sécuritaires qui commandent que nous limitions nos actions dans un certain nombre de régions pour ne pas empiéter sur les actions militaires qui sont en cours en vue de libérer notre territoire.
Quel est le processus qui suit l’ONC-AC avant la démolition des constructions irrégulières ?
Nous sommes une structure de contrôle, mais au-delà de cet objectif de contrôler, nous avons aussi dans notre ADN la sensibilisation des populations. Ce qui fait qu’avant de démolir, par exemple, des aménagements illégaux, il y a cette phase de sensibilisation qui a eu lieu à travers des communiqués, à travers des approches au niveau des communes ou à travers les Présidents de délégations spéciales (PDS). Nous avons effectivement sensibilisé les populations à l’effet d’éviter ces genres d’aménagements. Après cette phase de sensibilisation, lorsque nous identifions un aménagement illégal, nous faisons appel à une cellule qui est à notre sein en vue d’investiguer sur le terrain pour identifier l’auteur de ces aménagements illégaux, le convoquer, l’auditionner, l’amener à lui-même détruire les aménagements qui ont été réalisés par ses propres soins. Avant que nos services ne se mettent en branle pour aller effectivement démolir ces installations anarchiques. On ne va pas directement sur le terrain pour démolir les aménagements qu’on constate. Notre rôle c’est le contrôle réglementaire qui s’appuie effectivement sur les textes réglementaires. Et notre bible, en ce sens, est la loi.
Cette loi est dictée par un certain nombre d’actes de construire. En l’occurrence, le permis de construit, le permis de démolir, le certificat d’urbanisme et ainsi de suite. Donc ce sont les actes dont il faut disposer avant de faire votre construction. Le permis de construire, par exemple, c’est l’acte qui donne l’autorisation à un individu qui souhaite réaliser sa construction d’entamer les travaux. Au-delà du simple papier qui est le permis de construire, il y a tout un ensemble d’actes et de conventions avec des professionnels en la matière. Derrière le permis de construit, vous avez, par exemple, l’obligation qui est faite au maître d’ouvrage, c’est-à-dire celui qui veut construire son bâtiment, de disposer d’un contrat avec un architecte et avec un cabinet d’ingénieurs. Ces cabinets d’ingénieurs et d’architectes sont les garants de la solidité de l’ouvrage que vous voulez mettre en œuvre. Ce sont les professionnels en la matière et ce sont ces gens-là qui vous garantissent que votre bâtiment sera réalisé suivant les règles qui sont éditées en la matière.
Vous avez parlé de sensibilisation. Pensez-vous que les populations comprennent le sens de vos interventions et quel est le message que vous tenez à leur transmettre dans ce sens ?
C’est difficile de dire que les populations comprennent le sens de nos sensibilisations. Nous avons animé des conférences de presse et fait des communiqués. Nous avons même sensibilisé les populations à travers les organes de différentes communes. C’est un processus qui a commencé en 2006. La Direction Générale de l’office national de l’aménagement et de la construction, mais d’autres structures du ministère de l’Hurbanisme et de l’Habitat sont dans la danse pour sensibiliser. Alors, le retour qui nous revient toujours, c’est souvent “nous ne savons pas”. Mais la loi date de 2006 et nous ne sommes pas censés l’ignorer. Malgré tout, nous continuons de communiquer.
Après la sensibilisation, suivie souvent par la répression, il y a quelques mois, vous avez échangé avec les Présidents des délégations spéciales des villes, aux alentours de Ouagadougou. Qu’en est-il des abords de la voie de contournement dont on parle en matière d’installations irrégulières ? Et puis, qu’est-ce qui est prévu pour mettre de l’ordre dans ces constructions irrégulières ?
D’accord, en prélude à la phase de destruction que vous avez vue à un certain moment, nous avons rencontré les PDS pour leur demander, sur l’instigation du ministre de l’Urbanisme, qui avait d’ailleurs envoyé une correspondance à son collègue de l’Administration territoriale, de mettre en place un mécanisme de veille pour s’assurer que les abords de la voie de contournement sont préservés autant que possible.
La rencontre que nous avons eue avec le PDS, c’est de s’assurer qu’effectivement nous avons la même compréhension de cette note qui avait été envoyée au ministre de l’Administration territoriale. Au cours de cette rencontre, nous avons mis en place une feuille de route. Le premier point de cette feuille de route consistait à identifier, par les soins des communes, toutes les zones susceptibles de faire l’objet d’un contrôle par l’ONC-AC. Et après l’identification, le retour était fait au niveau de l’Office pour que nous puissions investiguer pour savoir qui est derrière ces aménagements-là. La feuille de route commandait que nous fassions un état de lieu à transmettre à l’autorité avant que nous ne puissions repartir sur le terrain pour agir. Cette feuille de route est en train d’être déroulée. Nous avons effectivement la situation d’ensemble des occupations anarchiques dans les communes qui entourent Ouagadougou et en même temps la situation d’ensemble de ce qui se passe autour de la voie de contournement. Ce qui sera fait est que toutes les bonnes qui ne sont illégalement implantées seront déterrées.
Au jour d’aujourd’hui, comme je l’ai dit tantôt, nous avons une situation réelle de la zone, et nous savons que certaines occupations sont effectivement illégales. Mais nous faisons la communication d’abord avant d’agir. Donc, rassurez-vous, on va mettre en œuvre ce que nous avons prévu, c’est-à-dire d’assainir toute la voie de contournement,
Vous avez parlé tantôt du mécanisme de veille que les PDS devaient mettre en place. Est-ce que ça fonctionne ?
Oui, ça fonctionne ! Mieux encore, en dehors des PDS, le ministre de l’Administration territoriale a même instruit les gouverneurs à veiller effectivement à ce que la lettre qui a été envoyée aux PDS soit mise en œuvre. Ce qui veut dire le mécanisme de veille est même plus élargi. C’est vous dire toute l’ampleur que la chose a prise. Ce sont les acteurs de terrain qui remontent les informations, et c’est sur la base de ces informations que nous avons constitué la liste des sites qui sont choisis. Pendant que je vous parle, il y a encore des situations désagréables qui se passent, parce que les gens continuent d’occuper, et au jour le jour, nous investiguons. Très récemment, nous avons été à Saaba, parce que tout simplement, nous avons constaté que quelqu’un était en train d’implanter anarchiquement une centaine d’hectares. Nous avons t, sur la base de ces renseignements que les PDS nous a envoyés, investigué et nous avons arrêté le processus. À Koubri aussi, nous avons fait une opération. Là-bas, c’est quelqu’un qui a aménagé une quarantaine d’hectares, et nous avons arrêté le processus. Le mécanisme de veille fonctionne.
Dans le cadre de vos missions régaliennes, quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Au niveau des aménagements par exemple, les gens continuent d’aménager illégalement ou de morceler des terrains. Vous le voyez souvent sur les réseaux sociaux. Heureusement, comme vous pouvez le constater sur les mêmes réseaux, ça a diminué parce que nous avons réuni les acteurs et les activistes au niveau des réseaux sociaux pour les sensibiliser.
Vous avez lancé tout dernièrement une opération spéciale de vérification des chantiers et des constructions inachevées. Qu’est ce qu’on peut dire de cette opération ?
Nous partons du principe que lorsque vous engagez vos chantiers, c’est parce qu’il y a le besoin de loger. Il n’est pas normal, par exemple, que vous engagez un chantier et qu’en cours de route, les gens prétendent qu’il n’y a pas d’argent. Je dirais, par exemple, qu’il faut engager des constructions évolutives. C’est pour cela, d’ailleurs, que nous mettons l’accent sur la nécessité de disposer du permis de construire qui suppose que vous avez un acteur qui vous accompagne. Il vous dira, par exemple, au regard de vos ressources, qu’est-ce qu’il faut faire, qu’est-ce qu’il ne faut pas faire. L’objectif que nous visons, c’est d’amener les gens à éviter des chantiers en jachère. En contrôlant, nous avons effectivement la possibilité d’identifier les acteurs qui sont responsables de ces constructions et nous les amenons progressivement, à travers un processus participatif à finir leur chantier. Parce que le prétexte de ne pas disposer de ressources n’est pas un prétexte valable. Il faut, à la limite, construire et habiter.
Deuxièmement, quand vous regardez ces chantiers abandonnés, ce n’est pas joli à voir dans une ville comme Ouagadougou.
Est-ce que vous avez des statistiques par rapport à ce contrôle-là au niveau de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ?
A Ouagadougou, nous sommes autour près de 400 chantiers construits et abandonnés recensés. En réalité, le communiqué est venu pour poursuivre le travail qui avait déjà été initié par les services techniques du ministère. Nous avons les croisées géographiques de tous les chantiers qui sont abandonnés ou en cours de construction. Et le communiqué visait effectivement à appeler les promoteurs de ces chantiers-là à se présenter pour qu’on puisse les accompagner dans la mesure du possible. Et nous avons, au cours de l’opération, pu recevoir un certain nombre de promoteurs.
Parlez-nous un peu du permis de conduire. Quelles sont les constructions qui en sont concernées et comment se fait le contrôle ?
Le permis de construire, c’est un acte d’urbanisme qui concerne toutes les constructions. Il y aura trois catégories de permis de construire que sont la catégorie A, la catégorie B et la catégorie C. Les gens ont tendance à croire que seuls les bâtiments à niveau de la catégorie C qui sont concernés. Lorsque vous entamez une construction dans une ville, sur un terrain urbain aménagé, vous avez l’obligation de disposer du permis de construire. Ou lorsque vous entamez une construction dans une zone non aménagée mais dont la construction est destinée à accueillir du public, les bâtiments qui accueillent le public, vous avez l’obligation de disposer d’un permis de construire. Que vous soyez, personne physique, personne morale, de droits privés, de droits publics, que vous soyez l’État ou collectivité territoriale, vous avez l’obligation, lorsque vous devez entamer une construction, de disposer d’un permis de construire avant d’entamer les travaux. Auquel cas, vous vous exposez à une sanction pécuniaire qui va de 200 000 à 2 millions de francs CFA.
Ce qu’il faut préciser, c’est que lorsque la construction est initiée par une personne physique, c’est le maire qui signe le permis de construire. Lorsque la construction est initiée par une institution de l’État ou ainsi de suite, c’est le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat qui signe le permis de construire. Dans tous les cas, on a tous l’obligation, de disposer de ce permis de construire. C’est un outil qui permet de s’assurer de la régularité, de la solidité et de la sécurité du bâtiment qu’on est en train de mettre en œuvre.
Vous ignorez que nous avons vécu des cas malheureux de bâtiments qui se sont s’effondrés. Malheureusement, la plupart du temps, ce sont des bâtiments qui n’ont pas le permis de construire parce que tout simplement, les professionnels qui devraient accompagner le processus n’ont pas été associés. Et quand vous prenez, par exemple, le permis de construire C, vous avez l’obligation de faire l’étude de sol ; qui est réalisée par le laboratoire national de travaux publics et qui s’assure que le sol peut supporter le bâtiment que vous voulez construire.
Propos recueillis par Firmin OUATTARA