Bagagnan et Sawadogo tous deux marabouts, comparaissaient devant le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou le 30 juillet 2021 pour répondre, le premier cité, des faits d’escroquerie et le second de complicité d’escroquerie. Ils sont poursuivis par sieur Tougma pour lui avoir escroqué la somme de 4 millions de francs en lui promettant de fructifier cette somme pour lui.
Des faits, il ressort ceci selon la version de la victime(Tougma). Commerçant de produits divers au marché central de Ouagadougou, il veut fructifier ses affaires donc décide de trouver un marabout qui pourrait l’aider dans ce sens. Il se confie à son ami Sawadogo, un marabout avec qui il travaille depuis plusieurs années. Ce dernier, incapable d’aider Tougma, le recommande à son supérieur à lui, qui se trouve être Bagagnan et qui serait selon lui, très puissant en la matière. Ce faisant, Tougma entre en contact avec le prétendu grand maître Bagagnan qui lui confirme qu’il peut effectivement le rendre riche. Seulement, pour ce faire, il se doit de faire un sacrifice d’un cheval blanc assorti de cent pièces de cinq (5) francs. Egalement, il doit lui envoyer à lui Bagagnan, la somme de 3 millions de francs pour d’autres sacrifices à faire. « Il m’a dit d’envoyer un cheval blanc plus la somme de 3 millions et cent pièces de 5 F » explique Tougma qui ajoute avoir fourni à Bagagnan, la somme demandée mais quant au cheval blanc, il dit n’avoir pas pu le trouver mais qu’il a complété une somme de 900 000 francs demandé par Bagagnan en compensation. Le sacrifice terminé, le marabout lui remet une amulette à infuser puis se doucher. Seulement, un long temps après usage de cette potion, Tougma ne voit toujours pas le résultat des sacrifices sur ses affaires. Il retourne donc chez Bagagnan qui lui recommande la patience car dit-il, ses génies seraient indisponibles pour l’heure.
« Il m’a dit qu’il va me rendre riche mais que ses génies sont en voyage pour l’instant » explique Tougma.
Et pour faire vite puisque Tougma semble pressé, il lui recommande encore de faire «le sacrifice d’un mouton à quatre cornes» dont la valeur s’élèverait à 500 000 francs et que lui seul sait où en trouver. Tougma accepte et lui fait un dépôt. Bagagnan lui remet alors un canaris clos qu’il devra ouvrir après un certain nombre de jour. Il devrait y trouver à l’ouverture, de l’argent à n’en point finir. Seulement au jour indiqué, lorsque Tougma ouvre le canaris, stupéfaction. Il ne découvre à l’intérieur rien que du fumier de bois. Il contacte son marabout mais celui-ci demeure injoignable. Il se rend à son domicile, point de trace de celui-ci. Il se rend compte qu’il a été dupé et décide de porter plainte.
« Si moi-même j’avais le pouvoir de multiplier l’argent, je ne serais pas dans ces conditions »
Arrêté et conduit devant le Tribunal, Bagagnan le principal accusé reconnaît partiellement les faits que lui reproche Tougma. Il reconnaît en effet, avoir pris de l’argent avec ce dernier avec pour but de le rendre riche mais affirme que cette somme s’élevait à seulement 900 000 F et non 4 millions comme indiqué par Tougma. Selon ses explications, il a été contacté par Sawadogo pour qu’il fasse un travail pour quelqu’un qui souhaitait avoir un médicament pour devenir riche. C’est ainsi qu’il a fait connaissance avec Tougma. Il confie en outre, avoir lui-même été très surpris que quelqu’un puisse penser qu’il y ait un médicament pour devenir riche. Néanmoins, poursuit-il, trouvant l’occasion belle pour se faire de l’argent, il aurait décidé de jouer le jeu en faisant croire à Tougma qu’il pouvait l’aider et en lui faisant faire certains sacrifices juste pour la forme. A la question des juges de savoir s’il avait effectivement la possibilité de rendre quelqu’un riche il répond : « Si moi-même j’avais le pouvoir de multiplier l’argent, je ne serais pas dans ces conditions ». Il affirme également avoir partagé les 900 000 F avec Sawadogo qui est à l’en croire son collègue.
Quant à Sawadogo, il ne reconnaît pas les faits. Même s’il reconnaît avoir reçu de Bagagnan, la somme de 350 000f comme part, il affirme qu’il a juste orienté Tougma vers ce dernier afin qu’il l’aide dans sa démarche pour devenir riche. Il ne savait même pas que Bagagnan n’est pas un vrai marabout car lui-même avait confiance en ses pouvoirs.
Pour l’une des rares fois, la procureure a plaidé pour que la constitution de partie civile de la victime soient rejetée
A l’issu des confrontations, la procureure a, dans ses réquisitions, demandé que Sieur Bagagnan et Sawadogo soient tous déclarés coupable des faits d’escroquerie et condamnés à une peine d’emprisonnement de 24 mois de prison avec sursis. Toutefois, elle a également plaidé et cela, pour l’une des rares fois, pour que la constitution de partie civile de la victime soient rejetée par le Tribunal en vue selon elle, d’une moralisation de la victime Tougma qui vraisemblablement était attirée par l’appât du gain facile.
Quant aux conseils des deux prévenus, ils ont salué la réquisition de la procureure qui demande de rejeter la constitution de partie civile de la victime. Pour eux, les faits d’escroquerie ne sont nullement constitués en ce sens que c’est la victime Tougma elle-même qui est allée tenter sieur Bagagnan et non l’inverse. Egalement ont-ils soutenu, rien ne prouve qu’après les sacrifices opérés, Tougma ne serait pas riche dans les jours ou les mois à venir puisqu’il est question de divinités. Ils ont donc plaidé pour que les deux prévenus soient relaxés pour infraction non constituée ou qu’au cas échéant s’ils venaient à être condamnés, que leur peine soit assortie du sursis.
Le délibéré est renvoyé au 13 août prochain.
Georges TOE-Zoodomail