Dans le cadre de la commémoration du soulèvement populaire du 3 janvier 1966, l’Unité d’action syndicale (UAS) a initié une conférence sur l’unité des travailleurs. C’était le 3 janvier 2021 à la Bourse du travail de Ouagadougou.
« L’unité des travailleurs : acquis et défis ». C’est sous ce thème que l’Union d’action syndicale (UAS) a tenu sa conférence dans le cadre de la commémoration du soulèvement populaire du 3 janvier 1966. Cette conférence a été animée par Richard Tiendrebeogo, ex-secrétaire général adjoint de la CGTB et modérée par Paul Kaboré, président de mois des centrales syndicales, secrétaire général de l’ONSL. L’objectif est de sensibiliser les responsables syndicaux à tous les niveaux et les travailleurs sur l’importance de l’unité d’action. Elle a porté sur le bref historique des luttes unitaires, les acquis des luttes unitaires et les défis actuels. 3 janvier 1966 – 3 janvier 2021. Cela fait 55 ans que se réalisait le premier soulèvement populaire depuis la reconstitution de la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso). Ce soulèvement populaire a emporté le premier président de Haute-Volta, Maurice Yaméogo. C’était la première fois en Afrique qu’un peuple faisait tomber un régime à une période où le parti unique était la règle d’or. La date du 03 janvier 1966 est une date historique, car elle a montré, selon le conférencier, l’attachement des syndicats à l’unité d’action, les capacités d’un peuple mobilisé et déterminé, le courage dont peuvent faire montre les travailleurs face aux forces de répression. Et aussi, les limites du syndicat en tant qu’organisation de masses qui a été à la base de la chute du pouvoir de Maurice Yaméogo. «Au Burkina Faso, le mouvement syndical a été très tôt marqué par le pluralisme. En effet, contrairement à ce qu’on a pu observer dans nombre de pays africains, tous les pouvoirs qui se sont succédé dans notre pays, n’ont jamais réussi à imposer une centrale syndicale unique liée à un parti. Face à ce pluralisme, la solution trouvée par le mouvement syndical burkinabé a été l’unité d’action», a précisé Richard Tiendrebeogo.
Les actions menées
Pour l’animateur de la conférence, on peut citer la dénonciation des Programmes d’ajustements structurels (PAS), la participation du mouvement syndical entièrement ou en partie à la lutte contre la vie chère, les crimes économiques et la corruption à travers la CCVC et le REN-LAC, les prises de positions contre la dévaluation du FCFA le 12 janvier 1994 et les luttes contre la Réforme globale de l’administration publique (RGAP). Il y a aussi les luttes du mouvement syndical contre les crimes de sang, la participation à la mise en place du Comité pour le règlement des affaires pendantes en matière de droits humains (CRADH), la participation à la mise en place et à l’animation du Collectif des Organisations démocratiques de masses et de partis politiques (CODMPP). Et aussi, l’inscription des assassinats de Boukary Dabo, Flavien Nébié et Justin Zongo dans les plateformes revendicatives pour exiger vérité et justice pour les victimes, la revendication de la vérité et de la justice sur les assassinats de Norbert Zongo, Thomas Sankara, …
Autres actions du mouvement syndical, la non-participation à la fameuse journée de pardon du pouvoir de la IVème République tout comme au CCRP, créé pendant la crise de 2011 soit disant pour y trouver une solution. L’exigence d’une Commission électorale nationale indépendante, et la contribution au renforcement de la liberté d’expression et de la presse.
Les importants acquis de l’UAS
Le premier et le plus important des acquis reste le maintien de l’UAS depuis 1999, soit depuis plus de 20 ans. Cet acquis interpelle l’ensemble des responsables et militants syndicaux qui ont le devoir de préserver cet outil que les devanciers ont forgé et qui ont produit des résultats fructueux. En effet, selon Richard Tiendrébéogo, les luttes unitaires menées depuis 1999 ont produit, au profit des travailleurs en particulier et des populations en général, de nombreux acquis matériels dont les plus significatifs sont entre autres : les acquis matériels et moraux de l’unité d’action syndicale, l’adoption et l’application de la loi 081qui a amélioré sensiblement les salaires des fonctionnaires brimés antérieurement par la loi 013, des augmentations de salaires même si elles sont faibles et appliquées de façon sélective, la réduction de l’IUTS à travers la prise en compte des charges professionnelles et la réduction des tranches en 2008, la reprise du transport en commun marquée par la création de la SOTRACO. Les acquis de l’unité d’action ne sont pas seulement matériels ou économiques : il y a aussi des acquis organisationnels, moraux et politiques importants. « En plus de ces acquis de l’UAS, il convient d’ajouter des acquis non moins importants obtenus par des regroupements sectoriels au profit des travailleurs. En l’occurrence, on peut citer les acquis des grèves unitaires SNESS-SYNTER, de la CNSE, de la CS-MEF, etc.», a relevé le conférencier.
Les défis actuels du mouvement syndical
Si l’unité des travailleurs revêt une grande importance pour le mouvement syndical de façon générale et que les expériences mises en œuvre dans notre pays pour y parvenir ont produit des résultats concrets sur le terrain, il faut admettre que ses enjeux et ses exigences ne sont pas toujours bien perçus par tous les travailleurs. Au regard des nombreux acquis engrangés à travers l’unité d’action syndicale, Richard Tiendrébéogo indique que : « Les travailleurs doivent comprendre que le travail en vue de la prise en charge de leurs problèmes passe à la fois par des actions au sommet, mais également à la base. C’est pourquoi, l’ensemble des acteurs du monde syndical ne doit ménager aucun effort, au-delà des différences de lignes et d’analyse des questions, à une large unité pour une prise en charge conséquente des préoccupations des travailleurs et des populations ». Et cela appelle à un travail constant en termes d’information, de sensibilisation, de vie démocratique au sein des organisations syndicales, de mobilisation autour des préoccupations majeures. Aujourd’hui, de nombreux défis se posent au mouvement syndical en termes de défense du pouvoir d’achat, des libertés démocratiques et syndicales et de lutte pour une gestion saine des ressources nationales. Il a par ailleurs noté que pour l’essentiel, il s’agit d’œuvrer à donner une suite à des engagements pris par le gouvernement à l’égard de l’UAS, mais aussi envers certains syndicats ou regroupements syndicaux. En somme, le mouvement syndicat a joué pleinement son rôle de contre-pouvoir indispensable à l’exercice réel de la démocratie. Et l’expérience montre que l’absence de contre-pouvoir dans un Etat, confine à l’autoritarisme, partant à la négation de toutes les libertés.
Jules TIENDREBEOGO