Dédougou :près de 800 hectares de champs engloutis par les eaux du Mouhoun

Les champs situés au bord du fleuve Mouhoun sont inondés depuis un mois de cela. Des bananeraies, des exploitations d’oignons, de légumes et de céréales sont sous les eaux. C’est le constat que nous avons fait, le vendredi 25 octobre dernier.

Il est 9h et quart quand nous arrivons au fleuve Mouhoun, a une dizaine de km de Dédougou, précisément côté Noakuy Badala. « Nous sommes à environ 500 m du lit », nous renseigne un producteur. A notre arrivée ils étaient trois sous un arbre, attendant d’autres pour se rendre au milieu des eaux à la recherche de rejets de bananes. Déjà, on peut percevoir plusieurs champs dans l’eau. Une si vaste étendue d’eau qu’on se croirait au bord d’une mer. « Semble-t-il que l’eau est encore montée », lance un producteur. « Donc, c’est mieux qu’on attende les autres. Moi, j’ai peur de l’eau… », conseille un autre producteur qui estime qu’ils seront plus en sécurité. Quelques instants après l’arrivée d’un groupe de jeunes, nous entamons notre périple. Nous voici dans l’eau dont le niveau évolue par endroit au fur et à mesure que nous avançons. Dans ce groupe de 9 personnes, il y a un producteur de Banane et un producteur d’oignon, les autres sont des ouvriers. « Mon champ est à plus de 300 m de là », nous confie le producteur de banane. Nous sommes déjà à peu près à 50 m de marche dans l’eau et l’eau était au-dessus de nos genoux. Pour aller dans la bonne direction nous suivons le même itinéraire. « Faites attention, devant il y a un tronc d’arbre par-là », alertent les deux producteurs qui sont devant.
« Cette situation nous a vraiment traumatisés»
Quelques mètres après, ils nous informent de la présence de digue à un niveau. «C’est ici mon champ d’oignon», lance Alassane Golo. Il explique que les digues sur lesquelles nous sommes ont été conçues pour empêcher l’eau d’atteindre le champ. A cette étape, l’eau est au niveau de nos cuisses.
Alassane Golo dira qu’il a emblavé un hectare d’oignon un mois avant l’inondation. «Cette situation nous a vraiment traumatisés. Il n’y a plus rien à faire sauf attendre que l’eau baisse pour reprendre l’activité», a laissé entendre le producteur visiblement désespéré. Il affirme que les dégâts causés par l’inondation dans son exploitation sont estimés à environ un million de franc CFA.
«Nous sommes venus voir ce que nous pouvons sauver»
A quelques pas de là, dans l’exploitation voisine, se trouve la bananeraie de l’entrepreneur agricole Daouda Touré. Ici, tous les bananiers sont tombés dans l’eau. Quelques rares fruits s’y trouvent. Sept jeunes sont à pied d’œuvre pour récupérer des rejets sur les bananiers gisant dans l’eau. «Les pieds ont commencé à pourrir, donc nous sommes venus voir ce que nous pouvons sauver au niveau des plants (50% ont déjà pourri) pour avoir de la semence », indique le producteur de banane plantin. «Les rejets coûtent très chers, le pied fait 500 f alors que c’est difficile d’en avoir. Ces personnes sont payées à 2500 f/jour», ajoute-t-il. Il nous confie qu’il avait en tout 1600 pieds de bananes plantain dont 900 pieds étaient au stade de récolte. En plus de la banane, Daouda Touré a emblavé un quart d’hectare de piment et prévoyait produire également un quart d’hectare d’oignon.
Selon ses dires, c’est depuis le 30 septembre que son champ a été inondé. « Quand nous avons constaté que l’eau augmentait, nous avons d’abord érigé des digues jusqu’à un mètre de hauteur. Au 4ème jour nous sommes venus trouver que les digues ont cédé. Nous sommes restés sans force, parce que c’est une force naturelle», relate-t-il.
«On était autour d’une tonne et demi déjà récoltée»
Le producteur indique qu’il avait commencé à récolter les fruits des 900 bananiers. « On était autour d’une tonne et demi déjà récoltée car chaque 10 jours on pouvait faire une récolte de minimum 200 kg et cela allait continuer sur 5 ans », affirme-t-il. Selon lui, les dégâts causés par l’inondation sont estimés à 5 millions FCFA.
Daouda Touré est conscient que cette inondation est due à une catastrophe naturelle. Mais il lance quand même un appel aux autorités pour qu’elles puissent les accompagner avec de l’intrant et un peu de fonds de roulement pour leur permettre de se relever.
Dans un autre champ de banane, la réalité est légèrement différente. Beaucoup de bananiers sont encore sur pieds, mais l’eau a quasiment envahi le champ. Des plants d’aubergine complètement décimés par les eaux. Ici aussi, il faut sauver ce qui reste, « les rejets ».
«Actuellement, nous enlevons quelques rejets pour la semence», confie Aboubacar Tougouri. Son cri de cœur à l’endroit des autorités, c’est de les aider à se relever.
«Les grandes pluies et les mauvaises pratiques des producteurs»
Ce producteur pointe du doigt les vannes du pont de Léry qui ne seraient pas ouverts, ce qui aurait causé l’inondation. « Si tel est le cas, que les autorités veillent à ce que cela ne se reproduise plus, pour que nous puissions chercher notre pitance quotidienne », a-t-il laissé entendre. Sur ses deux hectares, ce producteur estime les dégâts à environ 20 millions FCFA. En prenant congé des producteurs aux environs de 11h 20mn, ils nourrissent l’espoir malgré les dégâts, de voir l’eau quitter leurs exploitations dans les jours à venir afin qu’ils puissent se remettre au travail. Approchés, les services techniques ont indiqué que les grandes pluies et les mauvaises pratiques des producteurs à savoir le non-respect des berges, sont à l’origine de ces inondations.
« Nous avons pu enregistrer en termes de superficies pour le compte de Dédougou à Sagala, Kamadena, souri, Noakuy, Soukuy Magnoumasso, près de 800 hectares dans l’eau et plus de 500 producteurs sont touchés», a laissé entendre Inoussa Toro, chef de l’unité d’animation technique (UAT) de Souri.
Il dira qu’un recensement des producteurs touchés est en cours. «Nous sommes entrain de plaider pour qu’ils soient accompagnés afin de pouvoir produire en saison sèche dans la production maraichère et céréalière », a laissé entendre le technicien. Toutefois, ces dégâts causés par les inondations vont porter un coup sur le plan alimentaire des populations, mais aussi en termes de revenus pour les producteurs.
Inoussa Toro invite les producteurs au respect strict des consignes d’installations au bord du fleuve fixées à 500m du lit du fleuve ; et à ceux installés sur les berges d’abandonner. « Cette zone doit être conservée comme une bande de servitude. Si cette distance est respectée avec les labours, même si l’eau vient ça ne va pas atteindre le fleuve », a-t-il conseillé.
Arnaud Lassina LOUGUE
Correspondant Dédougou