Pendant la saison des pluies, dans plusieurs marchés des localités à l’Ouest du Burkina Faso surtout, une petite chenille noire s’impose comme une véritable star. Ni bijou, ni pétrole, mais sûrement bien plus précieuse pour des milliers de familles : le chitoumou.
Au Burkina Faso, les chenilles appelées chitoumou font partie intégrante de l’alimentation traditionnelle, particulièrement dans des zones à l’Ouest du Burkina. On les retrouve dans des localités comme Bobo-Dioulasso, Nasso, Yéguérésso, Niangoloko. Récolté sur les arbres de karité, le chitoumou est récolté pendant la saison pluvieuse et est très appréciés pour son goût, sa texture et surtout ses vertus nutritionnelles. Source de revenus pour de nombreuses femmes, met priser des fins gourmets, cette chenille comestible est devenue un pilier silencieux de l’économie locale. En effet dans les premiers instants de sa sortie, le chitoumou coûte assez cher et n’est pas à la portée du citoyen moyen. La boite de tomate peut coûter 5000 FCFA et connait une baisse progressive au fur et à mesure que la saison des pluies s’installe.
Une délicatesse locale devenue incontournable
Dans plusieurs ruelles animées de Bobo-Dioulasso, l’odeur grillée du chitoumou guide les clients vers les étals improvisés où cette chenille noire, récoltée pendant la saison des pluies, trône fièrement. Préparé en sauce ou sauté, le chitoumou est aujourd’hui un mets apprécié par presque toutes les couches sociales. Awa Ouattara, une consommatrice croisée au marché de belle – ville au secteur 29 de bobo, en parle avec ‘‘gourmandise’’. Elle dit que « chaque année, j’attends la période des chitoumous. Je les prépare en sauce avec des tomates fraîches. C’est un goût unique, très nutritif. Mes enfants adorent ça plus que le poisson !»
Quatre vendeuses témoignent : le chitoumou change des vies
Derrière la popularité du produit, il y a surtout des visages, des femmes et des hommes qui en vivent. Kadiatou Traoré, vendeuse depuis plus de dix ans, affirme que le chitoumou est son ‘‘salut économique’’. « C’est notre saison forte. En une bonne semaine, je peux vendre jusqu’à 50 000 francs de chitoumou. Ce sont des revenus que je n’ai pas le reste de l’année. Grâce à ça, j’ai construit une chambre pour mes enfants », dit-elle. Juste à côté d’elle, Alimata Sanon, vendeuse ambulante, fait griller les chenilles à la braise, sous le regard curieux des passants. Elle explique que « le matin, je pars très tôt chercher mes produits chez les grossistes. Je gagne la boite à 750 FCFA, souvent 500 FCFA. Mais avant c’était trop chère maintenant ça va beaucoup mieux. Je les cuis ici et je les vends par petits sachets. Les gens aiment quand c’est croustillant ! grâce au chitoumou chaque saison je fais beaucoup de bénéfice pour pouvoir aider mon mari et mes enfants qui vont à l’école, j’envoie souvent même un peu d’argent au village pour soutenir ma famille » confie t- elle.
Un peu plus loin, Alimata Koné, vendeuse saisonnière, emballe soigneusement ses chenilles séchées dans des sachets. Elle les expédie même à l’extérieure du pays. « Des clients me font des commandes pour les revendre en ville. La boite de chitoumou sec peut aller jusqu’à 5 000 FCFA. Ce n’est pas de l’or, mais presque ! » ajoute-t-elle. Dame OUEDRAOGO, elle, a trouvé dans le chitoumou une façon de rester active et une manière de se faire un peu de revenu. Elle explique qu’elle « achète son chitoumou avec des femmes Bobolaises qu’elle revend pour se fait un petit bénéfice » Elle va plus loin en ajoutant qu’elle vend ses chitoumous pour aider son mari dans les charges de la maison vu qu’il n’a pas un travail stable et aussi offrir le nécessaire à ses enfants.
Des chenilles jusque dans les sandwichs
Preuve de leur popularité croissante, les chitoumous s’invitent même dans le monde du fast-food local. Aïssata Sawadogo, vendeuse de sandwich à Belleville, a intégré les chenilles à son menu. « Au début, c’était une blague. Mais les clients ont aimé. Maintenant, je propose le sandwich chitoumou-piment-mayonnaise. Certains viennent exprès pour ça ! », se réjouit-elle. Un produit traditionnel qui trouve donc sa place dans des habitudes modernes, pour le plaisir des palais les plus curieux.
Des consommateurs conquis
Assis devant un plat de riz au chitoumou, Issoufou Zongo, jeune étudiant, ne cache pas son enthousiasme, car il trouve que « c’est économique, c’est local et c’est bon. Je préfère ça à la viande importée. Et puis, c’est un peu comme un retour aux racines ». Pour Salimata Souli, étudiante, le chitoumou évoque des souvenirs d’enfance. « Chez nous, c’était un moment de fête. On les faisait frire et on mangeait ensemble en famille avec du to ou même simple. Je continue cette tradition, j’adore ce plat je peux le manger chaque jour mes parents disent que ça soigne certaines maladies ».
Un écosystème fragile à protéger
Malgré tout, l’exploitation du chitoumou reste soumise à des défis majeurs. Ceux de la déforestation et le changement climatique surtout. Quand on sait que sa disponibilité est tributaire de la saison des pluies.
Le chitoumou n’est pas un produit comme les autres. C’est un pilier de la culture burkinabè, un levier économique pour les plus modestes, et une réponse locale à des enjeux de nutrition. À travers les témoignages des vendeurs, des consommateurs et même des restaurateurs, une évidence s’impose. Ces ‘‘petites bêtes’’ méritent qu’on lui accorde autant d’attention qu’aux grandes cultures agricoles.
Un aliment nutritif aux multiples vertus
Outre son goût, le chitoumou séduit pour ses qualités nutritionnelles. Riche en protéines, en fer et en acides gras, il constitue une alternative sérieuse à la viande. Selon Dr Sibiri Kaboré, nutritionniste à Bobo-Dioulasso, « 100 grammes de chitoumou bien séché peuvent apporter jusqu’à 60 % de protéines. C’est un aliment de survie qui gagnerait à être valorisé dans notre politique alimentaire ».
Adèle SANKARA
Zaharitou BANSE/Stagiaires
