…Une interrogation qui sonne comme un désaveu du vieux pour D.K qui ne s’attendait pas du tout à une telle équation. «Je me rend à l’évidence que dans la vie, il ne faut pas faire confiance à quelqu’un. Hier, est-ce que je suis rentré chez toi en courant ? De toute façon, il s’agit de ma fille que j’ai mise au monde, élevée et vouloir marier. Où se trouve donc le problème ? Pour te répondre franchement, je dis que j’étais conscient hier, aujourd’hui je suis conscient et demain je le serai toujours», propos de D.K.
«Je te rappelle que nous sommes Africains qui avons tous des totems, des interdits et des règles de vie. Si toi tu n’as pas de totem, alors tout est permis pour toi. Tu manges tout, tu dis tout donc tu dois tout faire. Il ne faut pas compter sur moi pour tes amoralités. Je t’ai bien dit que la nuit porte conseil. Pour moi, tu n’allais plus jamais venir me voir concernant cette histoire qui fait dormir debout. A partir de cet instant, je ne veux plus voir tes pieds dans mon domicile», rétorque le vieux sensé.
Silence radio autour de la délégation de D.K dont lui-même bien embarrassé verse son visage par terre, en train de gratter le sol. C’est en ce moment précis que sa première épouse se faisant porte-parole de ses coépouses s’adresse au vieux sage en ces termes : «Papa, nous n’avons pas de mots pour te dire merci. Si beaucoup raisonnent comme toi, notre société serait assainie de ces dépravations. En mon nom et aux noms de mes coépouses, nous te chargeons d’informer notre “ex-époux” (puisque nous ne le considérons plus comme mari), que chacune de nous a décidé de rejoindre ses parents qui ont besoin également de nous comme lui il a besoin de son enfant, afin qu’il soit libre de tous ses mouvements».
Dès cette annonce, comme une poule malade, D.K s’évanouie pour un bon bout de temps. Ne se contrôlant plus, il a même mouillé ses dessous avant de revenir à la conscience et tremblant comme une plume, il présente ses excuses à l’assemblée et sollicite l’apport du vieux sensé pour bénéficier de la clémence de ses femmes qui viennent de prendre une «mauvaise décision» à ses yeux.
Un des oncles maternels de la fille qui a pris part à la rencontre saisit l’occasion pour prévenir D.K que désormais eux, ils auront la garde de leur nièce pour son épanouissement. Comme un adage populaire qui stipule que : «le chien ne change jamais la façon de s’asseoir», rien ne prouve que tu vas changer de comportement. Et ce sera mieux pour nos deux familles que toi et ta fille ne cohabitent plus sous le même toit ». Proposition à laquelle D.K donne quitus tout simplement pour avoir l’aval de ses femmes de renoncer à leur décision.
Cette leçon, D.K l’a apprise à ses dépens car finalement le village s’est rétréci pour lui et il a élis domicile dans son champ où il passe l’essentiel de son temps, pour éviter les yeux moqueurs des uns et des autres. Selon Marguerite Yourcenar : « La source de la tristesse, c’est l’orgueil, quand un homme pense que tout lui est dû ». Ainsi prend fin l’histoire de D.K qui voulait marier sa propre fille.
Siaka SANON