Dans notre rubrique de la semaine, nous sommes allés à la rencontre de Lary Somda, maitresse de cérémonie (MC). Elle est l’une de ces jeunes passionnées de la communication qui se distingue à travers son savoir-faire et son savoir être en tant que Maitre de cérémonie au Burkina Faso. À travers son interview, vous découvrirez son univers, son histoire et sa vision du métier de maître de cérémonie. Elle profite pour donner quelques conseils avisés en vue de réussir une maitrise de cérémonie.
Qui est Mademoiselle Somda ?
A l’état civil c’est Larissa Somda et mon nom de scène c’est Lari Somda. Je suis passionnée de ce que je fais, notamment la communication. J’ai un parcours professionnel, une licence en communication publique et je poursuis un Master en communication et management des organisations. Tous ces choix sont par passion et non par défaut. La communication je l’ai vraiment cherchée et on s’est trouvé. Pour preuve, en première année de communication, j’ai fait un test à l’issue duquel j’ai été parmi les cinq premiers, ce qui montre ma passion pour ce métier. Professionnellement, je travaille avec plusieurs entreprises. J’estime que je peux donner plus, donc pour l’instant je ne me vois pas cloisonnée dans un bureau. Je fais du conseil, de la voix off, j’élabore des stratégies de communication pour des entreprises avec lesquelles je travaille. Je suis aussi maîtresse de cérémonie depuis trois ans et je suis présentatrice télé. J’étais d’abord à BF1 avec l’émission des enfants Bambino show, actuellement je suis à la RTB avec l’émission Voie’ elles.
Comment est née la passion pour la maîtrise de cérémonie ?
Je suis passionné de tout ce qui est communication, je m’ouvre à tout. J’ai commencé la maîtrise de cérémonie au Lycée où j’ai animé une nuit culturelle. Mais ce n’était pas volontaire, c’est mon prof d’histoire géographie Patrice Ilboudo qui m’a contrainte à animer cette soirée-là. L’année suivante, j’ai encore animé et ainsi de suite. Donc j’ai décidé de formaliser à travers une formation et de me lancer officiellement dans ce domaine. C’est ainsi qu’est née cette passion. Aujourd’hui, je me rends compte que tout était prédestiné, j’étais prédestinée à faire ce métier. Je me rappelle que toute petite, je faisais des discours de remerciement dans un mouvement catholique.
A-t-on forcément besoin d’une formation pour exercer ce métier ?
Oui. Pas une formation en tant que tel, mais toujours dans un élan de professionnalisation. Je suis toujours contre l’anarchie, contre le non professionnel. On peut avoir du talent, mais c’est toujours bien de continuer à se former parce qu’on ne finit jamais d’apprendre. J’ai commencé à exercer avant de faire une formation avec des aînés comme Alassane Kaboré, Tonton Benito qui m’ont donné des rudiments. C’est toujours bien de se former, de se perfectionner parce que le domaine change. Ces temps-ci, les cérémonies sont en vogue. C’est à chacun de voir ce qu’il offre de plus, quelle est sa valeur ajoutée. Je continue à envoyer des préséances, des introductions à mes aînés pour qu’ils amendent. Ainsi, j’essaie de me perfectionner.
Quelles sont les qualités pour maîtriser efficacement une cérémonie ?
La maîtrise de cérémonie, c’est transversal et ça requière beaucoup de qualités autant sur le fond, sur la forme que sur les qualités humaines. La qualité de fond, c’est l’argument, l’attitude. Un MC ne peut pas se comporter comme il veut, il doit avoir une certaine posture. Ce n’est pas seulement ce que l’on dit, notre habillement, notre posture, notre attitude parlent. Donc le MC c’est un tout. Concernant la forme, il y a plusieurs qualités qu’un MC doit avoir. D’abord, il doit être sûr de lui, maîtriser son travail. Quand vous prenez une cérémonie institutionnelle par exemple, vous avez une préséance à respecter. Si le MC ne maîtrise pas l’ordre protocolaire, ce n’est pas intéressant de commettre des fautes pour une cérémonie d’envergure. Encore le MC doit être patient et attentif, cela concerne la valeur humaine. En maîtrise de cérémonie on ne peut pas avoir un gros cœur on doit avoir de la patience, être à l’écoute et avoir de l’humilité surtout. Car il y aura toujours des changements de dernière minute, il y aura toujours quelqu’un qui vous mettra la pression plus que nécessaire et vous mettre des bâtons dans les roues. Il faut savoir garder son sang-froid, amender ce qu’on vous propose. C’est pourquoi le MC doit avoir un esprit vif pour réagir. Il doit être en mesure de proposer des solutions adéquates et improvisées. On dit que la meilleure improvisation, c’est celle qui se prépare. Effectivement, il faut se préparer à toute situation, faire des jeux de rôles pour se préparer à d’éventuelles situations qui peuvent arriver. Quand bien même on n’a pas une préparation nécessaire, il faut improviser et mettre les mots justes à leur place.
Quelques cérémonies que vous avez eu à réaliser ?
Quand on est au début de sa carrière, on s’ouvre à tout. On fait toutes sortes d’activités pour se avoir de la visibilité. En ce moment, on ne peut penser à une spécialisation. Je pense me spécialiser dans le Corporate, dans les cérémonies institutionnelles parce que c’est là que je me sens mieux. Les cérémonies que j’ai maîtrisées, je vois l’agence pour le développement, une agence italienne. J’ai maitrisé une cérémonie de restitution des activités qu’elle avait faite en présence de l’ambassadeur d’Italie et du président de l’agence. J’ai aussi maitrisé des cérémonies pour des ONG, des associations féminines, des mariages, des émissions télé et radio.
Comment gérez-vous le stress dans l’exercice de votre métier ?
Mes métiers sont des métiers à monde, on rencontre beaucoup de monde, on doit gérer du monde et qui parle de monde parle de stress. Mon stress, je le gère. Il y a des choses qu’on fait naturellement et après on ne se pose pas de question. Particulièrement, avant la cérémonie je prie pour faire passer mon stress. Je prie et je parle en mon for intérieur, je me dis que je peux le faire, le public est là pour moi, pour m’écouter et donc je peux le faire. Mon avantage, je suis habituée aux scènes. Au fur et à mesure, j’ai réussi à maîtriser mon stress. Je ne dis pas que je l’ai effacé, car le stress est omniprésent. Mais, on arrive à le maîtriser et on montre que tout va bien. Sinon dans les premières minutes d’une cérémonie, je ne suis pas bien dans le ventre.
Quels sont les préparatifs avant de monter sur scène ?
Avant le début de la cérémonie, j’essaie d’aller toujours la veille ou deux jours avant pour voir comment la salle se présente, sa configuration, sa climatisation. Ça m’aide à choisir quels habits porter. Le jour J, je relis mes interventions déjà préparées, je prends du thé. Une des qualités que je n’ai pas évoquée qui est très importante, c’est la ponctualité. J’arrive plus tôt pour tâter le terrain. Il peut y avoir des imprévus, donc il est bien de venir tôt pour mettre à jour les informations que vous avez. Ça permet de dompter le terrain.
Comment arrivez-vous à vous imposer dans ce domaine en tant que jeune femme ?
Ce n’est pas facile et évident de s’imposer même en tant qu’homme dans ce domaine en vogue. Et plus encore quand vous êtes une jeune femme, souvent on n’a tendance à vous négliger, à vouloir vous piétiner, à abuser de vous dans le sens professionnel. Parce qu’on se dit que vous êtes jeunes, vous avez besoin de visibilité donc vous allez accepter. Il faut rester digne. Ma dignité n’a pas de prix, vous ne me verrez pas prendre des raccourcis. Quand on fait des efforts, quand on se donne à fond, on finit par y arriver, on finit par atteindre ses objectifs. Certes, des raccourcis certes peuvent vous permettre de monter plus vite mais à quel prix ? En tant que jeune femme, j’ai des principes auxquels je tiens énormément. La plupart du temps, c’est par les recommandations des proches que j’anime certaines cérémonies. Je fais aussi des prospections pour avoir des cérémonies à animer. Ce n’est pas comme je l’aurais souhaité mais je m’accroche. Tant que vous faites votre travail, tant que vous êtes sérieux, passionné de ce que vous faites, vous aurez de quoi vous en sortir.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans le milieu ? Des perspectives ?
C’est la jeunesse. Même s’elle peut être un avantage bien souvent, c’est un obstacle parce que non seulement je suis jeune, mais aussi je suis une femme. Quand je suis en train de discuter avec des partenaires, on se dit mais comme c’est une jeune fille, on va lui proposer X ou Y prix, et elle va accepter. C’est à la personne de savoir s’imposer. Quand tu t’imposes, tu sais ce que tu vaux et on a eu vent de ce que tu fais, on te respecte. Une autre difficulté est l’obtention des marchés. Ce n’est pas du tout évident d’avoir des marchés si vous n’avez pas les bras longs, quand vous venez de commencer, quand vous voulez rester droit dans vos bottes, rester sur vos principes. Pour l’instant j’ai du marché je m’en contente. Et je suis très heureuse et très épanouie.
En termes de perspectives, je vais encore m’en référer à ce que le grand frère MDI disait à la formation, « le gâteau de la maîtrise de cérémonie est assez grand pour que chacun puisse avoir sa part ». Ça veut tout dire en même temps. Donc, chacun à sa place dans ce domaine. Tant que vous avez du talent, que vous avez quelque chose à proposer il y a toujours une place à se faire. Je vais conquérir le marché. On va entendre parler de moi dans ce domaine et dans la communication de façon générale. Je suis résolument décidée à m’imposer dans ce milieu. Donc on termes de perspectives, l’avenir promet être radieux.
Le métier nourrit-il son homme au Burkina Faso ?
Oui, le métier nourrit son homme ou devrait nourrir son homme. Mais, le domaine de la maîtrise de cérémonie n’est pas si valorisée que ça par les entreprises. En général, ce sont les mariages où on vous appelle, parfois carrément à la veille pour que veniez prester. Le métier n’est pas valorisé, si bien que le cachet n’est pas très important. Peut-être que mes aînés diront le contraire car, quand tu as les vraies cérémonies en main, ça oui, ça peut nourrir son homme. Le domaine est passionnant, on peut dire qu’on se nourrit de notre passion, ça fait plaisir de rendre service. Même si on a une rémunération qui n’est pas à la hauteur du travail qu’on fait, on reste passionné quand même.
Exercez-vous d’autres activités en plus de la maîtrise de cérémonie ?
Oui. Tout ce qui touche la communication, j’en suis passionnée, je suis intéressée. Je suis conseillère freelance en communication. J’apporte mon expertise à certaines entreprises de la place. En plus de ça, je fais de la présentation télé dans des émissions télé. J’espère avoir plus d’opportunités afin de pouvoir montrer l’énormité et la largesse de mon talent.
Qu’est-ce que vous pensez de l’entrepreneuriat féminin au Burkina Faso ?
De plus en plus les femmes se réveillent, elles ont beaucoup d’initiatives dans le sens de prendre leur indépendance financièrement et socialement. Il y a beaucoup de facilités, les conditions sont réunies pour la femme. Il y a des banques qui n’hésitent pas à financer les femmes lorsqu’elles ont des projets. Il y a de institutions financières spécialisées dans l’aide à la femme. Toutefois, il y a aussi beaucoup de niches inexploitées, souvent elles font les mêmes choses. Si je prends mon répertoire, je vois que tout le monde vend les mêmes choses, mais je ne vois pas la valeur ajoutée. Elles font toutes la même chose, donc c’est difficile. En tant que jeune femme, jeune leader, nous exploiterons ces niches-là. Tant que nous pouvons, nous allons nous investir pour notre indépendance, pour soutenir nos collègues, nos amies à travers la création d’emplois grâce à nos d’entreprises.
Des conseils pour vos sœurs qui veulent emprunter vos pas ?
Moi-même je suis jeune, donc je n’hésite pas à m’en référer à mes aînés. Donc un conseil, c’est de travailler d’arrache-pied pour réaliser leurs rêves. C’est votre rêve de travailler dans la maîtrise de cérémonie, travaillez et tout l’univers conspirera à ce que vous atteignez votre objectif. Soyez vous-mêmes, visez l’excellence, ajoutez de la valeur à ce que vous faites, à ce qu’on voit déjà. Restez passionnées, le talent seul ne suffit pas, il faut aussi des contacts, s’approcher des aînés, rester humaines. Ayez un modèle en tête, qu’il soit féminin ou masculin, d’ici ou d’ailleurs, mais privilégiez ceux d’ici parce que vous pouvez les approcher pour connaître leur parcours. Le gâteau de la maîtrise de cérémonie est aussi grand pour que chacun ait sa part.
Un dernier mot ?
C’est de vous réitérer mes remerciements pour avoir fait le choix de ma jeune et modeste personne pour votre rubrique. Merci de me mettre en lumière. C’est une motivation mais aussi un appel à mieux faire, à viser l’excellence parce que la barre a été mise assez haut. Je pense qu’on va la pousser jusqu’à l’excellence.
Aïcha TRAORE