Si la victoire du président sortant candidat à la présidentielle de novembre 2020 doit être comprise comme une réelle légitimation de son pouvoir, elle ne doit pas non plus être comprise comme un triomphalisme béat. Car, si une victoire est toujours bien à prendre, elle comporte aussi d’autres éléments qui, s’ils ne sont pas pris en compte, peuvent l’entacher. D’abord les dysfonctionnements liés à l’organisation constatés au sein de la Commission électorale nationale (même s’ils sont inhérents à toute œuvre humaine) ne donnent pas bien à voir. Autrement, la victoire de Roch aurait pu être plus propre si tout cela n’était pas arrivé.
Ensuite, la précipitation avec laquelle les opposants candidats à sa succession sont allés le féliciter alors qu’on est encore dans les résultats provisoires et que des recours étaient formulés devant le Conseil constitutionnel manque d’élégance. Apparemment, ça n’a pas emballé les Burkinabé.
Enfin, le Mouvement du peuple pour le progrès (parti de Roch) doit se regarder avec lucidité dans la glace s’il analyse au fond les résultats obtenus par le candidat Roch à la présidentielle, et ceux obtenus par le parti MPP aux législatives. Quand on les compare à ceux de 2015, Roch a fait un bond, pendant ce temps, le MPP a reculé. Par contre, des partis membres de la mouvance comme le Nouveau temps pour la démocratie (NTD) ont fait un bond spectaculaire. L’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) de Maître Sankara qui avait été coptée pour compléter l’effectif majoritaire à l’Assemblée nationale n’a ni reculé ni avancé. Autant dire que «qui n’avance pas recule !». Le Parti pour la renaissance (PAREN) de Laurent Bado qui faisait partie de la même mouvance au cours du mandat finissant n’est plus au rendez-vous. Sa liste nationale aux législatives où il avait de la chance, il n’a aucun siège à l’Assemblée nationale. Quant à l’opposition dans son ensemble (si elle reste telle qu’elle est allée aux élections) elle totalisera une cinquantaine de députés. Trop peu pour inquiéter le pouvoir.
Et c’est là que pourrait se poser le vrai problème. Car, quand un régime est face à une opposition faible, il a tendance à virer dans l’autosatisfaction, dans le narcissisme pour ensuite tendre vers une sorte de dictature démocratique. C’est le gros piège dans lequel le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré doit éviter de tomber. Tous les régimes qui ne l’ont pas compris très tôt ont rencontré des difficultés dans leur gouvernance. Surtout qu’en la matière, ce n’est pas toujours le plus grand nombre de personnes qui ont voté.
Dans quelques jours, Roch va porter les nouveaux habits de son second mandat. Avec tous les défis et les attentes qui l’attendent. Evidemment, il ne bénéficiera pas de période de grâce. Puisqu’il connaît déjà très bien les dossiers. Aussi, le plus gros mal que ses soutiens et camarades du parti (surtout les courtisans) pourraient lui faire, c’est de le laisser travailler sereinement. Au cas contraire, ils pourraient tous en payer le prix.
Dénis Dafranius SANOU